PbtA ou Propulsé par l’Apocalypse fait partie des jeunes systèmes de jeu de rôle. Ses particularités ont en fait un choix populaire.
Si la première édition de Donjons & Dragons se trouve à la racine des JDR avec un style et une formule précis, l’arbre a depuis grandi et gagné de plus en plus de branches au fil des années. En conséquence, des familles de style de jeu sont apparues, rendant parfois difficile de s’y retrouver. Aussi, les rôlistes ont tenté de classifier les variétés de JDR entre autres suivant la théorie LNS, où les jeux dits « narratifs » sont une niche à part.
Plus qu’un système, une structure de jeux
PbtA, une approche narrative et moderne du JDR
Cette branche qui se concentre sur la partie RP des TTRPG inclut à son tour de plus petites familles de jeux dont celle des titres Propulsés par l’Apocalypse. Les Powered by the Apocalypse, ou PbtA pour faire court, sont un grand ensemble de systèmes qui n’ont que de vagues ressemblances. En fait, on peut pratiquement résumer leur lien par la présence d’une mention directement sur la boite ou dans le livret.
C’est là la volonté du créateur du Système, Vincent Baker, quand il a créé le premier de ces jeux, Apocalypse World, en 2010. Il incitait dès le départ les passionnés à s’approprier les mécaniques afin de les adapter pour d’autres jeux que celui de survie dans un monde post-apocalyptique.
Aussi, les rôlistes ne se sont pas fait prier. Depuis une dizaine d’années, les systèmes qui se revendiquent de l’héritage PbtA (ou de ses dérivés) ne cessent de se multiplier et de conquérir un nouveau public. Ils sont d’ailleurs parfois nominés ou gagnants de prix prestigieux tels les Ennies ou les Grog d’Or.
Apocalypserie ou pas Apocalyserie ?
Mais qu’est-ce qui fait qu’un système est Propulsé par l’Apocalypse ? En fait, il n’y a pas d’éléments impératifs pour répondre à cette question. Plus qu’un ensemble de mécaniques, cette famille a plutôt une « structure », une manière de jouer qui met en avant la coopération entre meneur et joueurs pour raconter une histoire.
Le spectre de ce que les créateurs font avec le squelette initial est très varié. Les hacks du système Apocalypse vont donc de petites altérations du système global à l’intégration de nouvelles mécaniques. En général, ces différences ont pour but de retranscrire l’univers ou l’ambiance spécifique que visent les créateurs.
Ainsi, d’un côté, la majorité des jeux PbtA partagent un certain nombre de mécaniques de base. Parfois les auteurs les différencient par des appellations uniques, mais leur fonctionnement reste constant d’un système à l’autre. Ceci a l’avantage de faciliter le passage d’un JDR à l’autre une fois que l’on comprend comment jouer à l’un d’entre eux.
De l’autre côté de cette échelle, il y a les jeux qui se sont approprié ces mécaniques pour les enrichir afin de coller à leur vision inédite. Certains de ces systèmes sont pratiquement devenus des variantes à part, plus comparables à des cousins éloignés des PbtA.
Suivant le Guide de bricolage de votre Apocalypserie Maison et reprenant les propos de Baker, l’idée des systèmes propulsés par l’Apocalypse est que les jets, ne doivent ni ne pas avoir de conséquence, ni interrompre l’évolution du récit.
Autrement dit, jamais un échec ou une réussite ne doit déboucher sur un « il ne se passe rien ». À la place, les résultats font toujours un effet boule de neige. Les conséquences des jets poussent les joueurs à faire des Actions qui auront leurs résultats et ainsi de suite.
Quelques concepts habituels des PbtA
Les « Actions »
Le concept d’« Action » dans les PbtA diffère de ce dont on a l’habitude dans les jeux de rôle plus traditionnels. Plutôt que les choix standards comme « attaquer », « lancer un sort »,… ils emploient des listes spécifiques à chaque titre.
Elles reflètent le ton de l’univers et sont beaucoup plus cinématiques que l’idée habituelle que l’on se fait d’une action dans un jeu de rôle. Le choix de quelle action un PJ fait dépend du résultat que vise le joueur que de l’action à proprement parlé. Par exemple, dans le jeu « Horrifique », il n’y a pas d’option « attaquer », une action offensive se traduirait plutôt par « prendre un risque » s’il vise à infliger une blessure à une cible ou « convaincre quelqu’un » s’il la menace par la violence physique.
Les Playbook
Les jeux de rôle PbtA mettent aussi en avant leurs spécificités au moyen des playbook. On peut maladroitement les comparer aux races ou aux classes, mais en fonction des systèmes, ils reflètent plutôt des archétypes.
Chaque playbook dispose de ses actions inédites ainsi que de ses améliorations. Celles-ci se gagnent différemment en fonction du jeu, mais ils favorisent toujours la narration aux accomplissements. Pour illustrer, dans Masks, un playbook correspond plus aux clichés de super-héros que représente le PJ qu’à une indication de ses pouvoirs.
Le système de résolution des PbtA : un dialogue et une histoire
Pour déterminer si une action est une réussite ou non, les PbtA utilisent généralement 2d6 + une valeur caractéristique pertinente. En fonction de cette somme, on a trois degrés de résultats. Elles se résument à « non, et », « oui, mais » et « oui, et ».
Respectivement, ces résultats correspondent à faire 6 ou moins, entre 7 et 9 ainsi que 10 ou plus. La moyenne de 7 signifie que l’action est réussie, mais avec une conséquence négative (le PJ perd un objet important au passage). Faire plus de 10 peut annuler ce genre de conséquence ou ajouter à la réussite.
Le meneur de jeu ne fait pas de jet dans les PbtA. À la place, il a une liste d’actions qu’il peut exécuter en fonction de la fiction et surtout quand les joueurs font 6 ou moins sur leurs jets. Ces actions elles-mêmes n’ont pas nécessairement un résultat mécanique, mais forcément narratif et cinématique. Le but est que le résultat soit assez intéressant pour que les joueurs puissent rebondir dessus.
Pour reprendre le résumé d’Acritarche, on part toujours de la fiction. Quand la suite est incertaine, alors deux options s’offrent à la table. Si une Action de joueur permet de la résoudre, alors il fait le jet correspondant. Sinon, le meneur considère ses actions. Si lui non plus n’a d’option, alors un dialogue s’engage entre les joueurs et lui pour déterminer comment continuer la fiction.
Le grand panthéon des PbtA
Ce schéma universel des PbtA est valable pour tous les systèmes. Y compris quand ils lui donnent leurs tournures uniques. Du fait de la myriade de jeux qui existent, il n’est pas toujours évident de choisir un d’entre eux pour commencer, bien que tous soient accessibles pour les joueurs de tous les niveaux.
D’Apocalypse World à Dungeon World, les héritiers des grands jeux
Apocalypse World est le géniteur de la structure. Pensé pour 3 à 5 joueurs, il les place dans la peau de survivants dans un monde post-apocalyptique dur et sombre. Les archétypes reflètent des stéréotypes qu’on peut trouver dans des œuvres comme Mad Max avec l’Ange Gardien et la Beauté Fatale. Son horloge augmente progressivement la tension et la létalité du jeu.
De son côté, l’un des plus célèbres PbtA ne cache pas ses emprunts au plus célèbre des jeux de rôle. Dungeon World prend donc certaines des mécaniques de Donjons & Dragons comme les classes afin de les adapter à la structure des jeux Propulsés par l’Apocalypse. Il constitue une transition aisée pour passer des jeux du style DnD pour le PbtA.
Des petits jeux innovants
L’horloge a été adaptée pour le jeu Horrifique afin de privilégier le format des parties en one-shot. Ses mécaniques et ses accessoires privilégient l’improvisation de la part du meneur et des joueurs pour inventer de toute pièce une histoire dans le style de Lovecraft. Il ne se veut pas une concurrence à l’Appel de Cthulhu.
En contraste de ces gammes et de ces jeux professionnels, des communautés de fans ont créé des jeux de rôle tirés de leurs univers favoris. Hogwarts le JDR exploite les mécaniques basiques pour une Apocalypserie dans le Monde Magique qui tient en quelques pages.
Pour ceux qui préfèrent plutôt l’histoire à la fiction, il y a Night Witches. Dans ce PbtA, les joueurs incarnent des femmes pilotes russes durant la Seconde Guerre mondiale. Plus que l’histoire des grands et de la guerre, ce jeu fait une micro histoire très personnelle et intime des pilotes.
Un parti pris que font aussi Masques : Une Nouvelle Génération et Monsterhearts. Ils font des joueurs des jeunes adolescents/adultes pourvus de pouvoirs. Ils utilisent leurs genres respectifs (super héros et monstre) comme métaphore pour les problèmes sociaux auxquels on peut faire face durant cette phase transitoire de la vie.
Aucun PbtA ne porte autant fièrement et ouvertement son but d’adresser la question du genre et de la sexualité que Thirsty Sword Lesbian. De plus, il est pratiquement plus un moteur pour raconter des histoires saphiques qu’un jeu clé en main : l’auteur invite le monde à créer des jeux propulsés par Lesbian.
Du PbtA et au-delà
City of Mist repousse les limites de ce que le système des PbtA proposait jusque-là pour personnaliser les pouvoirs uniques à son personnage. Il fait d’ailleurs partie de cette branche de jeux qui se sont suffisamment éloignés de leurs racines pour inspirer leurs propres dérivés. Queerz ! est le premier de ceux-ci pour CoM avec un autre jeu, des mêmes auteur à l’horizon.
Titré Legend in The Mist, ce jeu quitte l’urban fantasy de City of Mist, pour un univers de medfan. Son système, bien qu’il soit toujours ancré dans sa variante de l’Apocalypse, se vet plus simple et intuitif à prendre en main pour les néophytes.
Un autre système qui, bien que dérivé de l’Apocalypse, a développé son propre vocabulaire, c’est Blades in the Dark. Il a ajouté toute une sélection de mécaniques inédites dont certaines ont aussi été modifiées par Critical Role pour leur nouveau jeu : Candela Obscura et qui seront approfondis pour Daggerheart.
Et les rôlistes n’ont pas fini d’innover les PbtA! Qui sait quels univers, genres et mécaniques vont-ils encore inventés à partir de cette intarissable source d’innovation.