Les grosses brutes vertes de la fantasy, les orcs peuvent aussi bien être simples que complexes. Ils figurent au cœur de conflits idéologiques modernes.
En plus des elfes et des nains, une race fantastique se retrouve presque systématiquement dans les médias. Il s’agit des orcs ou orques ! De Tolkien à Warhammer et même à travers l’histoire, ils représentent toujours l’altérité et sont, peut-être, les plus importants politiquement.
Les orcs dans l’histoire et la fantasy : des éternels vilains
D’Orcus aux Allemands, l’orc dévoreur
Comme pour la plupart de nos représentations modernes de la fantasy, celle des orcs remonte à l’œuvre de Tolkien. Mais il n’a pas tout inventé. Historiquement, on retrouve des mentions de ce nom ou au moins de noms similaires beaucoup plus tôt avec la divinité antique Orcus ou Horkos.
De ce nom, différents auteurs, en particulier Perrault, créeront une autre créature : l’ogre. Ainsi, comme fée et elfes se confondent, orcs et ogres ne se distinguent pas tout de suite. Tous les deux ramèneront alors simplement à l’image de créatures monstrueuses, de grandes tailles, de voraces anthropophages et avec de grandes dents similaires à des défenses.
Comme les vampires, ils symbolisent un appétit dévorant et on le reprend pour critiquer la voracité de certains. Celle de Napoléon, d’abord, puis au court de la Première Guerre mondiale, celle du peuple allemand. Les caricatures d’époque rajoutent cependant deux éléments que l’on retrouve toujours chez les orcs de la fantasy : les traits porcins et le mode de vie inspiré des cavaliers des steppes qui ont terrorisé l’Europe médiévale.
Les orcs envahissent la fantasy
Tolkien y contribue avec son premier récit se déroulant en Terre du Milieu, la Chute de Gondolin. On y suivait la destruction d’une cité elfe par une armée d’orcs, mené par le valar Morgoth. Sa description puis plus tard les illustrations de son univers allaient se généraliser pour rester la base de celle de presque toutes les franchises où on retrouve les orcs, mais avec parfois plus ou moins de nuances et de subtilités.
Ainsi, comme le montre leur historique, les orcs de l’imaginaire, puis de la fantasy, c’est l’autre. Des hordes mongoles, aux armées du Kaiser, puis la Menace Rouge et les anciennes colonies, ils arrivent dans la littérature. Les auteurs vont enrichir chacun à leur façon leurs orcs, mais en piochant souvent dans les cultures « primitives », et en font de bons ou de mauvais « sauvages » pour transmettre différents messages : organisation en hordes, chamanisme religieux, amour de la nature…
Ce sont ces inspirations qui se retrouvent plus tard aussi dans le jeu de rôle, à commencer par Donjons & Dragons. Là, ils deviennent alors des antagonistes désignés. Repoussants en apparences et aux des mœurs barbares, avec les gobelins, ils sont faits pour signaler l’ennemi aux joueurs.
L’orc devient un protagoniste
Le tournant dans la perception des orcs dans la fantasy, elle vient avec le changement de subjectivité du joueur. En effet, au fur et à mesure que les fanbases grandissent, les orcs trouvent une place dans le cœur de certains d’entre eux. Ils en font des PJ, et donc des protagonistes qui méritent d’avoir un point de vue.
Dans un premier temps, ceci pousse les créateurs à leur donner des motivations plus complexes. Et ce avant d’en faire plus ou moins des victimes, métaphores des classes sociales opprimées, dans un second temps. L’orc déshumanisé depuis des siècles s’humanise à partir de la fin des années 90. Un processus qui continue encore et qui fait couler beaucoup d’encre encore aujourd’hui.
Les orsimers et les orks : l’orc comme métaphore de l’exclusion sociale
Malgré tout, de manière générale, les orcs sont tous similaires dans la fantasy. Ils restent de grandes créatures humanoïdes verdâtres et musclées. Enclins à la violence, leur culture et leur histoire impliquent souvent la guerre et le combat. Ce qui fait qu’ils sont craints et incompris par les « races civilisées », notamment les humains.
Les orsimers de la franchise des Elder Scrolls en sont ma représentation favorite. Notamment parce qu’ils résument toute la complexité des différentes représentations des orcs depuis les barbares nomades aux victimes du système. Ces apatrides étaient d’abord des elfes. Ils ont ensuite été maudits lorsque leur divinité, Trinimac, a été transformée en Daedra. À présent sous le nom de Malacath, son rôle avait changé. En plus d’établir son code qui régit la vie dans les campements des orcs, ce dernier devient en plus le seigneur des bannis et des exclus.
Exclus, c’est en partie aussi la situation des orks dans Shadowrun. On compare ainsi leur quotidien à celui d’un habitant d’un quartier noir aux USA, comme Harlem. La pauvreté de leur territoire contraste avec le mode de vie moderne, souvent hors systèmes, ils sont engagés pour des jobs dangereux et sujets au racisme. Leur espérance de vie en devient plus courte que celle des autres races.
La modernisation des orcs dans la fantasy
Les orsimers et les orks ne sont pas automatiquement mauvais. Ce qui n’est pas le cas dans DnD du fait de l’alignement ou encore dans le Seigneur des Anneaux du fait de leurs origines. Ou plutôt était, puisque ces franchises travaillent à présent à moderniser leurs peaux vertes… Non pas sans rencontrer des résistances. Par exemple, les polémistes ont pointé du doigt que les orcs du JDR de fantasy passaient à présent à des caricatures de Latino-Américains dans DnD 2024.
Comme avec les elfes, les sociétés réinventent constamment les orcs en réponse à leur contexte. Toutefois, figures monstrueuses et démoniaques, ils manifestaient les craintes plutôt que les idéaux. Et ce avant que certains auteurs se les approprient pour parler des oubliés de l’histoire et de la société occidentale. À l’instar de Drizzt donc qui a vulgarisé le gentil drow, l’orc pacifiste gagne de la place dans les représentations comme chez Deerstalker.
Ce qui ne veut pas dire que la fantasy n’a plus la place pour les orcs conquérants. Ceux de Warhammer, surtout Warhammer 40K, ou encore Warcraft, demeurent des troupes guerrières qui font trembler les autres races. Un stéréotype qu’ils peuvent garder en partie par l’absence de « gentils » et de « méchants » dans ces univers Dark Fantasy. Ce qui justifie plus facilement de garder ces nuances.