Mener un JDR de mystère a des particularités en comparaison aux campagnes « classiques ». C’est une énigme à part entière.
Les premiers rôlistes ont commencé par un style unique d’histoire : l’exploration des donjons afin de ramener des trésors. Cependant, dès les premières années d’existence du jeu de rôle, des créateurs tentent de raconter de nouvelles expériences inspirées d’autres genres littéraires que le fantasy.
Une bouffée d’air frais
C’est ainsi que certains se lancent à l’aventure pour mener un JDR de mystère à leur table. L’Appel de Cthulhu, en particulier, propose un système et des scénarios qui mettent la découverte de secrets cachés au cœur des intrigues. Par la suite, les rôlistes ont tenté d’en faire pour des jeux d’autres univers : Donjons & Dragons, Cyberpunk, Traveller…
Pratiquement toutes les campagnes et tous les univers peuvent tirer profit d’une session ou deux avec des enquêtes en guise d’intrigue principale, voire d’une campagne entière. En effet, en plus de changer du rythme habituel, il permet d’explorer d’autres aspects. Que ce soit au niveau des personnages, du monde ou des histoires.
Les avantages de mener un scénario mystère dans un JDR
Dans un JDR de fantasy, par exemple, le scénario cliché pour mener un mystère, c’est l’assassinat d’un noble. Il y a de l’opportunité pour du drame (ce PNJ était cher aux PJ), pour explorer l’envers du décor de l’univers à travers les coulisses politiques du royaume ou encore pour utiliser des compétences qui sont généralement négligées.
Le mystère donne aussi des balises nettes pour le meneur et les joueurs. Que le but soit d’élucider un crime afin d’innocenter un allié ou de résoudre une énigme pour trouver un trésor perdu, il y a clairement un point de départ ainsi qu’un objectif précis. Idéal pour donner un peu de direction dans un monde ouvert.
Ils s’insèrent d’autant mieux dans les jeux bacs à sable qu’ils peuvent avoir des impacts significatifs sur le monde. Le meneur a donc un moyen de faire évoluer le monde sans arracher totalement le contrôle aux PJ. L’Histoire ne manque pas d’exemple où un assassinat a définitivement modifié la trajectoire d’un pays, voire d’un continent.
Mener un JDR de mystère, les épreuves du meneur
Toutefois, il faut se rendre à l’évidence, les manipulations fastidieuses des enquêtes présentent des challenges, aussi bien pour le meneur que les joueurs. Si certains sont évidents et, en fait, le B. A.BA des jeux de rôle (écrire un scénario suffisamment palpitant pour emporter les joueurs) leur nature et les solutions possibles ne sont pas identiques. Il faut faire des bons choix.
La première décision reste celle du système de jeu. Il est possible de mener des scénarios de mystère dans n’importe quel JDR, cependant, en fonction du jeu et des joueurs, l’approche ne serait pas identique. Des éléments d’un même scénario peuvent changer en passant de l’Appel de Cthulhu vers Pulp Cthulhu, par exemple.
La recherche d’indice, le moteur des scénarios d’énigme
En parlant des scénarios justement. Bien que le point de départ et le point d’arrivée soient bien délimités à l’avance, il devrait y avoir plus d’une seule voie pour aller de l’un à l’autre.
D’abord, pour comparer avec le monde des jeux vidéo, un mystère en jeu de rôle ne fonctionne pas s’il se déroule comme un jeu point & click. À la place d’une suite d’actions et d’interactions spécifiques, le meneur doit prévoir une ramification d’indices qui mènent logiquement à la conclusion.
Les indices, justement, sont essentiels pour mener les JDR de mystère. Ils récompensent les joueurs pour leur participation et poussent le jeu en avant, en conséquence, ils doivent être en grand nombre et cohérents. En général, on suggère une règle de 3 indices pour chaque conclusion à laquelle on voudrait que les joueurs arrivent.
Mener un JDR de mystère : comment fournir des indices?
Deux écoles existent cependant quant à la question de trouver ces pistes. S’ils sont d’accord sur le fait que les indices que les PJ ne trouvent pas n’ont aucun intérêt, c’est sur la manière d’y remédier qu’ils vont dans deux sens différents.
D’une part, il y a ceux qui comme le jeu Gumshoe offrent directement l’indice aux joueurs. Cette méthode privilégie l’idée que, de toute manière, sans indices les PJ ne pourront avancer et que par conséquent, il vaut mieux leur offrir.
Si cette méthode évite d’éventuels murs ou blancs dans la phase de recherche d’indice, elle réduit l’implication des joueurs. Par ailleurs, puisque les indices ne sont plus des récompenses, les meneurs qui emploient cette approche doivent miser totalement le plaisir sur l’interprétation et la conclusion.
D’autre part, d’autres jeux préfèrent plutôt traiter la recherche d’indices comme une phase à part. Dans ce cas, les joueurs doivent passer par un ou plusieurs jets afin de révéler les indices dans un premier temps. C’est dans un deuxième temps seulement que les joueurs travaillent à les faire parler.
En échange d’impliquer activement les joueurs et leurs avatars tout au long de l’enquête, cette méthode présente son lot de difficultés. Les jets peuvent conduire à des échecs, et dans ce cas, qu’est censé faire le meneur ? La réponse doit à la fois respecter le jet et ne pas bloquer le jeu.
De plus, si les indices ne sont pas diversifiés, alors une compétence va prendre l’ascendant sur le reste. Les compétences comme « Trouver Objet Caché « dans l’AdC ou encore l’investigation dans DnD et Pathfinder, par exemple. À la place, il est préférable de les ‘cacher’ derrière différents obstacles pour employer les différentes capacités des PJ.
La simplicité dans la profondeur, secret d’un bon scénario d’énigme
Il ne faut pas oublier aussi les compétences des joueurs et ceux du meneur de jeu. Idéalement, pour ceux qui aiment les mystères, tous les maîtres de jeu seraient Agatha Christie ou Sir Arthur Conan Doyle et tous les PJ, des Hercules Poirot ou des Sherlock Holmes. Toutefois, ce n’est pas le cas.
Idéalement, il est préférable de ne préparer que des énigmes simples, c’est-à-dire dont les pièces logiques s’emboîtent aisément. Les protagonistes cités plus haut sont écrits pour pouvoir relier des points incertains, ce n’est pas le cas pour les PJ dans un jeu de rôle. Au pire, le meneur risque de causer la confusion des joueurs et de les perdre…. S’il ne se prend pas lui-même au piège !
En effet, une meilleure leçon à tirer de ces auteurs, c’est plutôt leur aptitude à garder les évènements et les motivations cohérents tout au long de l’histoire. Plus que pour tout autre scénario de JDR, les trames tissées par le meneur doivent être solides quand il veut mener un mystère.
Celles-ci ne sont pas qu’exposées aux joueurs, ils doivent les étudier de près. Des éléments qui ne s’emboîtent pas risquent soit de les perdre, soit de franchement les ennuyer. Pour les assister, les meneurs peuvent prévoir des cartes ou encore des frises chronologiques à compléter au fur et à mesure.
Limiter le temps et l’espace où l’action se produit permet de faciliter ce travail, sans en gâcher la profondeur. Pour preuve, les grandes œuvres d’Agatha Christie comme le meurtre de l’Orient Express ou encore 10 Petits Soldats se passent dans des lieux fermés avec une limite claire de temps pour résoudre le mystère.
Respecter les compétences des PJ
Un autre élément de cohérence que le meneur de jeu doit garder en tête, ce sont les possibilités particulières offertes par le contexte de l’univers de jeu. La magie et la technologie en particulier constituent à la fois de grands Alliés et les pires ennemis pour la solidité d’un scénario à intrigue. Si le meneur ne peut pas juste les annuler, il ne peut pas tomber dans leurs pièges.
D’une part, ils constituent des opportunités pour trouver ou cacher des indices. Des sorts pour communiquer avec les morts ou encore des technologies de caméras avancés, par exemple. D’autant qu’il est plus que probable que les joueurs choisissent des PJ avec des capacités appropriées si l’occasion se présente.
D’autre part, une inattention du meneur peut en faire des moyens de résoudre instantanément une affaire épineuse. Si la victime a vu le visage de son assassin ou connaît son identité, une séance de spiritisme offrirait la clé de toute l’énigme sur un plateau, mais empêcher le spririt d’utiliser ses pouvoirs ne serait pas amusant non plus.
Donner sa chance au changement pour mener des JDR de mystère
Au fil des explorations, les joueurs peuvent soulever des points auxquels le meneur n’a pas nécessairement pensé. S’il est impossible d’être prêt pour tout, garder une souplesse sur la position des indices peut s’avérer utile et récompenserait d’autant plus les joueurs pour leur logique.
Pour finir, comme pour mener des interactions sociales dans les JDR, un mystère implique aussi bien le personnage dans le jeu que son joueur en dehors. C’est-à-dire que si les indices doivent venir des actions des PJ, la réflexion qui suit ne devrait dépendre que des joueurs.
En plus d’éviter de créer un problème vis-à-vis de l’intelligence des PJ, cette méthode implique plus tout le monde à la table. L’utilisation d’accessoires, de props, comme des extraits de journaux ou des photographies permet de faire cette transition sans abîmer l’immersion.