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Mener les interactions sociales, un débat philosophique dans le JDR

Mener les interactions sociales dans les JDR

Mener les interactions sociales est une source de réflexions et de discussions au sein des rôlistes. C’est un sujet ouvert aux débats.

Dans l’imaginaire des non-initiés, les jeux de rôle sont surtout assimilés à l’idée des combats. En partie influencée par les jeux vidéo, cette image leur fait souvent oublier que le JDR est avant tout une activité ludique sociale et intellectuelle.

« Jouer » les rencontres sociales

C’est ainsi que mener les interactions sociales est essentiel pour toutes les tables. Que ce soit négocier leurs récompenses, convaincre un garde de les aider, ou simplement séduire une paysanne, la palette de discussion qui peut arriver est tout aussi variée que celle des combats. Les rôlistes doivent aussi pouvoir les jouer.

Cependant, voilà une bonne question : qu’est-ce que « jouer » signifie dans ce contexte ? Différents joueurs ont différentes réponses à cette interrogation. Et celles-ci peuvent aller dans des sens totalement opposés qui vont de jouer au sens théâtral à jouer avec des mécaniques complètes ainsi qu’à un mélange de chaque.

Chacun de ces deux extrêmes propose son lot de logique, ses avantages et ses failles pour mener les interactions sociales. Il en même pour toute la nuance entre les deux. En conséquence, c’est une discussion très riche, bien qu’il n’y ait finalement jamais une réponse définitive, sinon de tester et de trouver celle qui convient à chaque système et/ou chaque table.

Les manières extrêmes de mener les interactions sociales

L’approche par le roleplay pur, un jeu de RÔLE

L’une des bornes propose de n’avoir pratiquement pas de règles en la matière. Généralement, ceci se résume à totalement attacher la résolution des interactions sociales au roleplay.

Dans ce cas, la créativité et la logique de chacun sont les éléments essentiels pour déterminer de l’issue de la discussion. Par exemple : pour obtenir une information d’un prêtre, le joueur parle de sa mission divine au cours d’un discours passionné au terme duquel le meneur va décider si son interlocuteur est convaincu.

Cette approche ne manque pas de charme puisqu’elle récompense l’investissement des joueurs à se mettre dans la peau de leur personnage. D’ailleurs, elle ne nécessite pas forcément de parler à la première personne ou avec la voix du PJ, mais simplement de savoir représenter fidèlement son point de vue.

Elle a aussi l’avantage d’être le plus minimaliste possible au niveau des règles pour mener les interactions sociales. Les nombres sur la fiche du personnage n’ont que peu ou pas d’influence, ce qui va d’autant plus dans le sens du roleplay et non du roll play. Seules les aptitudes sociales du joueur importent.

Une méthode élitiste et méta ?

Cependant, c’est cette force qui est aussi la raison pour laquelle cette méthode a des détracteurs. En effet, elle supprime en quelque sorte le PJ pour laisser totalement la place au joueur.

D’une part, elle fait perdre tout intérêt à investir dans n’importe quelle statistique sociale sur la fiche du personnage. Quel intérêt, par exemple, d’avoir des points en persuasion si, le moment venu, seule l’aptitude du joueur à parler est prise en compte ?

Et d’autre part, elle pénalise certains joueurs par rapport à d’autres. Ceux qui savent et osent parler, ou dans une certaine mesure ceux qui ont d’autres connaissances, gagne un avantage que leur PJ n’a peut-être pas forcément et ceux qui ne sont pas à l’aise en situation sociale ne peuvent pas jouer un personnage plus charismatique qu’ils ne le sont.

Cette comparaison a ses failles, mais elle illustre bien le problème de cette manière de mener les interactions sociales. Personne n’a à avoir des connaissances en AMHE ou en ésotérisme pour manier une arme ou faire de la magie en combat, pourquoi le joueur devrait être un bon orateur pour déterminer l’issue d’une conversation en jeu.

Mener les interactions sociales par les mécaniques : le JEU avant le rôle

C’est suivant cette réflexion que vient la recherche des systèmes pour mener les interactions sociales. En quelque sorte, cette idée vise à prendre ce qui rend la création des personnages ainsi que les combats intéressants et à l’adapter à la résolution des discussions entre PJ et PNJ. Les statistiques comme le charisme ou certains dons dans DnD vont dans ce sens.

Ce que cette approche perd en simplicité mécanique, elle gagne en confort de jeu. Que le joueur veuille intimider, argumenter, tromper ou séduire, il connaît ses chances, et ce indépendamment de son aise à parler. Cette approche est aussi moins arbitraire pour le maître de jeu. En particulier, car il n’a pas à juger de la performance du joueur.

À la frontière entre JDR et jeu de plateau

Pourtant, on juge cette manière de mener les interactions sociales pour ne pas assez impliquer les joueurs dans le roleplay. Plutôt que de soumettre les idées et les arguments que son PJ peut avoir, un joueur se contentera de dire « je fais un jet d’intimidation », et voilà !  

Pour les plus puristes des rôlistes, cette méthode retire tout l’aspect social dans le jeu de rôle pour en faire un jeu de plateau. D’autant plus que le système d’un JDR n’a pas à simuler toutes les situations possibles : un jeu peut tout à fait avoir plusieurs chapitres sur comment mener le combat physique sans en avoir une seule sur la cuisine, la couture ou encore les interactions sociales.

Par ailleurs, ce n’est pas la seule asymétrie dans le jeu de rôle. Les PJ sont souvent exemptés des règles mécaniques d’interactions sociales puisque l’inverse reviendrait à retirer un élément sacré. Sur un jet, le meneur pourrait retirer le contrôle des joueurs sur leur avatar.

De quelques mécaniques sociales dans le JDR

Qu’en est-il d’une approche combinée ? Laisser le choix aux joueurs d’opter pour une méthode ou l’autre (à travers un bonus pour un bon roleplay, par exemple) est peut-être la solution la plus répandue. Bien que simple, cette combinaison peut tout de même favoriser ceux qui ont et savent user de leurs aptitudes personnelles.

Quelques règles fondamentales pour mener les interactions sociales

De leurs côtés, certains créateurs ont mis au point des mécaniques plus ou moins solides pour leurs jeux. Si d’aventures vous voulez vous les approprier pour travailler vos règles maison, il existe quelques consignes universelles.

Le joueur a plein contrôle sur ce que dit son personnage ainsi que sur ce qu’il fait pour communiquer. On pourrait même parler de devoir, puisque, jet ou non, il doit malgré tout faire un minimum de roleplay ne serait-ce que pour avoir l’autorisation de tenter le jet.

Celui-ci n’est d’ailleurs pas absolu. Peu importe la manière dont une table ou un système s’y prend pour mener les interactions sociales, il existe des limites à ce qui est possible. L’exemple le plus connu est celle du roi : que le joueur soit le plus grand orateur du monde ou son personnage a maximisé son charisme, ni l’un ni l’autre ne peut convaincre un roi de lui donner le trône par une discussion.

Inversement, certaines situations ne nécessitent pas forcément un jet ou un RP spectaculaire. Ainsi, il n’y a pas besoin de mécaniques pour demander son chemin, si l’informateur n’a aucune raison de mentir sur la question. 

Le jet (ou autre mécanique) détermine la qualité de comment le PJ exprime son idée et/ou comment son interlocuteur le perçoit. En d’autres termes, ceci récompense un bon RP sans totalement négliger l’aspect statistique. Et au final, c’est au meneur de déterminer comment le PNJ réagit en cohérence à ces paramètres en connaissance de ses propres paramètres.

Exemples précis de systèmes

Des jeux sans mécaniques sociales, mais pourtant sociales

L’une des extrémités de ce spectre de systèmes est composée des jeux à la philosophie old-school ou OSR qui n’auraient aucun système de gestion d’interactions sociales. En effet, selon les grognards, ces mécaniques s’avèrent complètement inutiles et devraient totalement reposer sur le roleplay des joueurs.

Pourtant, contrairement à ce que cette idée pourrait laisser croire, ces titres laissent une part importante à la diplomatie. L’expérience venant des trésors et non des ennemis vaincus, ils incitent les joueurs à tenter de dialoguer avec le PNJ, y compris les créatures qu’ils rencontrent au sein des donjons, une expérience que l’on retrouve plus rarement de nos jours, mais présents dans les séries vidéoludiques Shin Megmai Tensei et Fear & Hunger.  

Des mécaniques les plus souples…

Un jeu qui a déjà une mécanique plus ou moins similaire à ces points pour mener les interactions sociales, le JDR Monty Python’s Cocurricular Mediaeval Reenactment Programme. Puisqu’il tente de refléter la nature de sketch de son matériau d’origine, la parole est centrale au jeu. Les mécaniques motivent les participants (joueurs) à être clairs dans leur intention et leur approche d’une conversation avant de faire un jet. Y manquer peut leur valoir des désavantages.

Les jeux propulsés par l’Apocalypse ne font pas nécessairement une différence mécanique entre les combats et les dialogues. Ainsi, ils achèvent automatiquement la même profondeur mécanique et dynamique entre les deux. The Crown, The Sword and The Unspeakable en tire pleinement profit pour son monde plein d’intrigue. L’aspect très narratif de ces jeux fait qu’ils ne sont pas pour tout le monde cependant.

… aux interactions statistiques pour mener les situations sociales

Pour plus de crunch sans perdre en souplesse dans la manière de mener les interactions sociales, l’Appel de Cthulhu et Cyberpunk RED reposent sur leurs systèmes de caractéristiques. Les statistiques d’éloquence n’y sont pas différentes du physique ou du combat et leurs assignations sont très claires.    

Afin d’aller encore plus dans ce sens, il y a aussi la dernière édition de Traveller ou du Monde des Ténèbres. Ils sont très complets mécaniquement, mais les systèmes restent toutefois très simples. En conséquence, c’est en fonction de l’approche que le joueur détermine les dés à lancer avec, par exemple, appliquer une statistique physique à l’intimidation.

Finalement, il existe aussi des jeux qui construisent toute une machinerie complexe pour simuler la dynamique des dialogues. Ils sont cependant polarisants, adorés de certains, haïs par d’autres pour cette approche. Burning Wheel et La Légende des 5 Anneaux en sont les exemples les plus populaires. Ils visent respectivement à simuler la complexité et la subtilité de la manipulation et à représenter la guerre de mots dans une cour avec ses intrigues.

Un jeu beaucoup plus récent, c’est The Broken Empires RPG. Né de décennies d’expérience en JDR de Trevor Devall, cet RPG vise à éviter au maximum les dissonances entre l’aspect ludique et le roleplay. En conséquence, il mécanise la manière pour mener les interactions sociales afin que les aptitudes diplomatiques d’un PJ reste fidèle à sa fiche. Dans ce cas, le roleplay du joueur permet de décider de quelle compétence correspond le mieux à son approche. Une méthode qui fonctionne d’ailleurs avec le système d100 de Chaosium.

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