Maléfices est un grand nom du jeu de rôle. En effet, à part les Dungeons & Dragons et les Call of Cthulhu, il existe aussi d’autres systèmes de jeu peut-être moins connus, mais tout aussi marquants. Celui-ci nous vient non plus des États-Unis, mais de la France !
Qu’est-ce que Maléfices ? Et bien, c’est un jeu de rôle sorti pour la première fois en 1983. Dans un style peut-être similaire, mais pas vraiment semblable à l’Appel de Cthulhu, il possède un côté historico-fantastique. Ici, ce n’est pas la Nouvelle-Angleterre des années 20, mais le Paris de la Belle Époque.
Les maléfices de la Belle Époque
À la différence de son homologue lovecraftien, Maléfices n’est pas un JDR qui se concentre sur les enquêtes. Là où l’Appel de Cthulhu met l’action sur l’investigation et la découverte des secrets, pour dire : les personnages sont des investigateurs, Maléfices mise sur l’ambiance.
L’ambiance de la Belle Époque, il faut dire, est particulière. Fondamentalement, c’est une transition d’un siècle à un autre, le XIXe et le XXe. C’est aussi une paix prise entre deux guerres : la guerre franco-prussienne et la Grande Guerre de 14-18. C’est une période de bouleversements sociaux.
Une ère de lumière…
D’une part, on assiste à des progrès dans le domaine de la science, Paris accueille deux expositions universelles en 1889 et 1890. Des inventions comme le cinématographe des frères Lumières et la psychiatrie frappent l’imagination. C’est aussi le temps de la deuxième révolution industrielle qui permet d’exploiter de nouvelles sources d’énergie dans l‘industrie.
Socialement, on connaît aussi des progrès. Ainsi, c’est la naissance des premiers partis socialistes ainsi que des syndicats et de leurs premières victoires comme celle des journées de 8 heures en 1886 aux États-Unis. En France, 1905 marque aussi la séparation de la religion et du pouvoir avec l’instauration de la Laïcité de l’État.
…Avec une part d’ombre
Cependant, sous ces fastes persiste une part de ténèbres. Ainsi, la Belle Epoque, c’est aussi le temps de l’affaire Dreyfus et des injustices sociales. Économiquement, le développement des nouvelles industries et de la science ne profite pas à tous. En France, l’écart se creuse entre les villes et les campagnes, les plus riches et les plus pauvres.
Maléfices joue sur ce contraste de la Belle Epoque, entre science et superstition (le spiritisme est grandement répandu), entre faste et misère. Le but du JDR est de transporter les joueurs dans cette ambiance où ils pourront raconter leurs propres histoires mêlées de mysticisme…ou pas.
Maléfices, le retour d’un grand JDR
Quand il est publié pour la première fois en 1983, Maléfices est le produit de la collaboration de deux hommes : Michel Gaudo et Guillaume Rohmer. C’était alors un système simple à prendre en main avec des règles faciles qui permettait de s’immerger dans l’univers alors atypique de ce jeu de rôle.
En effet, Maléfices tire énormément profit de son contexte de la Belle Époque. Avec des dualités comme entre la ville et la campagne, la science et la superstition, Maléfices propose de plonger les joueurs dans une horreur subtile et indéfinie. Quand on assiste à un évènement inexplicable, est-ce de la science ou est-ce l’œuvre du Malin?
Fort de 3 éditions entre 1983 et 2004, d’abord chez Jeux Descartes puis chez Éditions du Club Pythagore, Maléfices, comme beaucoup d’autres titres, disparait cependant des rayons pendant des années. Il faudra plus d’une décennie avant que les fans ne retrouvent de nouveau la gamme.
Après son hiatus, un grand retour chez Arkhane Asylum
En effet, en 2016, l’éditeur Arkhane Asylum Publishing (Cyberpunk Red, Vaesen, Kult Divinité Perdue,….) obtient les droits pour publier une nouvelle édition du jeu. Il contacte ni plus ni moins que Gaudo afin de discuter de l’avenir du titre. Les préparations prendront 2 ans tandis que l’équipe consulte de nouvelles références pour l’ambiance, allant de Maurce Leblanc à Penny Dreadful.
Le résultat est une campagne de financement participatif sur Ulule. Les fans sont ravis, les curieux sont au rendez-vous, à sa clôture le 30 octobre 2018 elle a récolté 386% de l’objectif initial nécessaire pour relancer Maléfices. Pour autant, malgré ce succès et ses promesses, l’éditeur n’a pas encore créé de nouveaux produits pour l’enrichir.
Quoiqu’il en soit, sur le plan du contenu, cette quatrième édition se veut la digne héritière de ses racines, mais ancrée dans son temps. En conséquence, les créateurs ont tout modernisé le jeu, ceci inclut d’abord les illustrations, mais aussi les mécaniques du jeu.
Sur ce point, on constate généralement une simplification du jeu. Cela se traduit par exemple à travers l’abandon du d100 pour un d20. Ceci a l’avantage d’être plus léger à mener et plus intuitif pour les joueurs, d’autant plus que les auteurs n’emploient plus la table des Paliers. Dans les anciennes éditions de Maléfices, celle-ci était consultée pour vérifier si un joueur passait son jet
Ce que cette édition garde en revanche sur le plan mécanique, c’est la particularité de Maléfices : l’utilisation d’un tarot. Dans le système, ce deck de 22 cartes personnalisées est appelé Le Grand Jeu de la Connaissance et est tiré par le meneur à la création de chaque personnage pour que le joueur lui attribue une caractéristique.
Les personnages et le destin au cœur de l’intrigue
Des personnages hauts en couleur
Maléfices étant plus porté sur l’ambiance, ici, on ne retrouve pas une longue liste de compétences. À la place, le joueur est invité à remplir les caractéristiques individuelles en fonction du background de son personnage dans cet univers riche. Est-il un soldat de la dernière guerre? Est-ce une femme qui a un talent pour la nouvelle fée électrique?
Dans tous les cas, c’est ici que le Grand Jeu de la Connaissance fait son entrée. Une fois que les joueurs ont décidé de leurs concepts, le meneur tire les lames de tarot. En fonction de ces lames, les joueurs ajoutent à leurs personnages. Peut-être le soldat est-il hanté par le souvenir de ses camarades morts…mais sont-ce vraiment que des souvenirs?
Le reste de la fiche contient tout de même quelques chiffres (que serait un JDR sans quelques-uns?). Ce sont la culture générale, l’habileté, la perception, la constitution, l’aptitude physique, la spiritualité et la rationalité qui entreront en jeu le moment venu. Ces caractéristiques ne connaissent pas un progrès au fil des péripéties comme chez un aventurier de DnD.
Des outils de storytelling dans Maléfices
La philosophie de Maléfices met le roleplay et la narration en avant en libérant la table de l‘obsession pour les nombres. D’ailleurs, un système optionnel, mais intéressant que l’on retrouve dans cette 4e édition, c’est la narration partagée.
Elle permet d’une part d’intégrer Le Grand Jeu de la Connaissance aux parties de Maléfices, mais aussi de partager le plaisir d’animer le monde entre le meneur et les joueurs. Ainsi, le meneur donne la parole aux joueurs pour narrer à condition de respecter les lames de tarot tirées. Expérience qui mérite le détour.