Lignées Royales est un JDR solo un peu particulier. Exit les PJ et les fiches, le rôliste suit une dynastie.
À l’origine des jeux de rôle, on trouve les wargames. Quand Gygax et Arneson passent le gameplay de la masse informe au personnage individuel, ils ont créé un tout nouveau hobby. En conséquence, ce titre un peu singulier de Gavin Johnston est à la fois à la limite du TTRPG et, en quelque sorte, boucle la boucle.
Un jeu dont vous n’êtes pas le héros
En effet, si Lignées Royales est bien un JDR solo dans l’âme, il ne présente qu’une quantité minimale du gameplay que l’on attend d’un jeu de rôle. Dans ce titre, le joueur incarne un chroniqueur, un historien royal. Plutôt que d’être le protagoniste de son histoire, il n’est qu’un témoin ou un narrateur, passif, parfois anonyme et apocryphe des événements importants qui ont marqué le royaume.
Une nuance dont le joueur peut profiter. Cependant, il fait surtout que le rôle de son PJ est de suivre la généalogie et la succession des monarques sur le trône. Au fil des souverains, la situation du royaume, celle de la dynastie, voire cette dynastie elle-même peut changer. Les mécaniques du jeu simulent ces flots.
Les mécaniques derrière le JDR solo Lignées Royales
À la base du JDR solo Lignées Royales, on trouve une simple paire de dés à 6 faces de couleurs différentes et un petit matériel de prise de notes, pour l’arbre généalogique et pour l’histoire de la monarchie. En fonction de la situation, jeter ces deux dés se traduit par 2d6 ou par un d66.
Ce jeu est minimaliste. Le joueur commence d’abord par déterminer le cadre dans lequel il veut jouer (nom du royaume, cadre historique/fantastique, comment il est arrivé à cette situation de départ…). Il passe ensuite à son premier monarque et génère les éléments essentiels du règne. Via une poignée de tables, on apprend comment on se souvient de lui, son/sa campagne, ses héritiers, les moments marquants de son règne et sa mort.
Le chroniqueur rapporte ensuite ces informations sur l’arbre généalogique de la dynastie. Enfin, il passe à la rédaction de l’histoire officielle où l’auteur va développer dans des phrases ou des paragraphes les détails autour de ce règne. Il recommence ensuite pour son héritier. Voilà à quoi se résume le gameplay loop du JDR solo Lignées Royales.
D’autres rouages viennent pimenter cette partie. Dans le livret officiel, on a les catégories « Faiblesses », « Instablité » et « Déshonneur » qui peuvent engendrer des événements additionnels, ainsi que les trois stades de l’« l’Ascension », de l’« Âge d’Or » et de la « Chute » qui changent la table des événements importants. Les fans ont aussi produit des add-on, comme For the Ages qui ajoutent des tables additionnelles.
Lignées Royales, un « JDR » solo de niche…
Pour moi, Lignées Royales, c’est un peu mon JDR solo idéal. Entre mon background académique en histoire/anthropologie, ma préférence pour les jeux narratifs, mon amour pour Les Rois Maudits de Druon ainsi que le fait que Feu et Sang soit mon ouvrage favori de GRR Martin, ce sont des étoiles qui s’alignent. J’envisage d’en faire le prochain Let’s Play de jeuxderole.com.
Cependant, je ne peux pas le recommander à tout le monde. D’abord, il propose très peu de gameplay. Contrairement à Chroniques d’un Vampire Millénaire qui suit le même format journal, par exemple, les événements ne demandent pas au joueur de faire de choix stratégiques. Ce qui est normal, il est le chroniqueur. De ce fait, il ne fait que raconter le récit de l’action ou l’inaction des monarques. Ce jeu, c’est avant tout le RP et le world-building.
… Avec des limites définies, et des opportunités
Ensuite il y a une certaine limite aux mécaniques en place. Ainsi, si les règles n’imposent pas de cadre culturel précis, elles visent surtout à simuler le stéréotype d’un contexte rappelant le Moyen-Âge Européen.
Par exemple, le livret de la VF contient un QR Code vers la page Wikipédia de la Loi Salique pour expliquer l’ordre de succession. Le joueur devra improviser, par RP ou par des règles maison, pour simuler d’autres méthodes de successions réelles ou fantastiques.
Enfin, Lignées Royales reste un JDR solo et non un simulateur comme la série des Crusader Kings. Il ne peut pas tenir en compte des besoins et conséquences stratégiques d’un tel contexte social et politique. Les dynasties de différents territoires et les familles puissantes tissaient des alliances, le jeu n’a pas de mécanique pour cela.
Malgré ces limites, avec son prix abordable en VF imprimé ou en Anglais sur Itch.io, Lignées Royales en vaut le coup. Via les QR Codes de la VF, on peut aussi accéder à des playlist, des fiches vierges et un générateur de noms et de sobriquets. Il peut donc aussi faire office d’outil de worldbuilding pour les meneurs de jeu qui chercheraient à générer organiquement un cadre de jeu.