Les systèmes génériques constituent une option polyvalente pour les rôlistes. Ils peuvent ainsi jouer dans n’importe quel univers.
Si le premier jeu de rôle de Gary Gygax s’inscrivait dans la fantasy inspirée de Tolkien, le hobby ne s’y est pas cantonné. Dès son deuxième titre, TSR se lance dans le Western avec Boothill tandis que d’autres compagnies tentent d’ouvrir d’autres horizons, telles l’horreur Lovecraftien ou les frontières de l’espace. Tous créent leurs propres mécaniques.
Deux approches, les jeux maison ou les systèmes génériques ?
Si la diversité des mécaniques de résolution témoigne de la richesse des jeux et de l’inventivité des créateurs, elle n’est pas sans problèmes. Entre autres, l’investissement financier et chronologique pour se procurer et apprendre un grand nombre de systèmes est considérable. Il peut se résoudre à travers l’utilisation des systèmes génériques.
En effet, ces derniers reposent sur leur neutralité vis-à-vis du ton ou encore du genre. Si par des créations maison, les meneurs peuvent modifier les titres qui leur sont familiers, il s’agit d’un exercice difficile. Donjons & Dragons 5E a été adapté à toutes les sauces, mais le résultat garde la palette d’heroic fantasy, Mörk Borg a donné naissance à Cy_Borg ou Pirate Borg, mais ils restent dans la veine punk de leur géniteur.
En comparaison, les auteurs des systèmes génériques les ont mécaniquement pensés pour être bricolés. De ce fait, ils peuvent donner des titres très différents qui partagent seulement un squelette. Un même système peut donner un jeu d’investigation et d’épouvante ou un jeu d’exploration medieval fantasy !
Construire sur l’essentiel, la méthode des systèmes universels
Pour cela, ils reposent d’abord sur une base mécanique solide et compréhensible. Bien qu’en général, elle soit simple, elle peut aussi être complète. L’essentiel, c’est qu’elle peut s’adapter aux différences qu’on peut s’attendre à trouver d’un genre à l’autre. Les compétences, par exemple, doivent être déterminées en fonction de ce qui est cohérent avec l’univers.
Ensuite, les systèmes génériques emploient des « widgets », des modules spécifiques qui viennent compléter des aspects particuliers du jeu. Ils peuvent compter des règles pour les munitions dans une quête de survival horror, une liste d’inventaire pour un jeu d’aventure OSR, une gestion des appareils pour un titre sur l’aviation….
Pour autant, tous les systèmes génériques ne se ressemblent pas. Chacun a son niveau de complexité et de souplesse ainsi que sa spécialité. Certains viennent d’office avec les bases mécaniques pour du combat tactique, d’autres privilégient la narration. Ou encore, certains préconisent des dés 6 ou d’autres rappellent l’emploi l’éternel d20…. En découvrir quelques-uns permet de choisir lequel sera le plus adapté pour un jeu.
La limite des systèmes génériques : le défi d’être un game designer
Les systèmes génériques ne peuvent cependant pas faire de miracle. En effet, s’ils restent souples et aptes à simuler pratiquement tout style de jeu et n’importe quel univers, ils le font au prix de l’efficacité et de l’adéquation d’un système spécialisé. Il faudrait plutôt les voir comme des kits de création ou des boites à outils qu’il faut que le meneur s’approprie. Ene barrière qui gène souvent ceux qui essaient les PbtA comme Dungeon World ou Thirsty Sword Lesbian.
Ainsi, tout droit sorti de sa boîte, Fate Core ou GURPS, par exemple, ne fait pas tout de suite un substitut de DC20 pour de la fantasy. Il faudra que le meneur avec ses joueurs s’accordent à définir quels éléments ils voudraient intégrer. Est-on plus dans la fantasy à la Tolkien ou à la GRR Martin? Les personnages n’incluent t’ils que des humanoïdes? Etc…
Un processus qui requiert une certaine familiarité avec le genre et le système. Par ailleurs, bien que génériques, ils s’inscrivent aussi dans les différentes cultures, écoles et philosophies des systèmes de JDR. Certains sont narratifs, d’autres plus mécanisés, d’autres encore nécessitent et proposent des collections de contenu modulaire afin d’atteindre leurs objectifs, là où d’autres laissent entièrement ce travail au meneur.
Quelques exemples de systèmes
Savage Worlds, le dragon des systèmes génériques
Savage Worlds fait partie des références dans le genre. Et pour cause, il constitue une transition plus aisée pour les rôlistes qui voudraient sortir de Donjons & dragons sans perdre tous leurs repères. On y retrouve donc des éléments comme des attributs, de l’initiative en combat, mais suivant sa devise, il se vaut « Fast ! Furious! Fun ! »
Si comme les autres systèmes génériques, le livre de base de Savage Worlds suffit pour jouer, ce n’est pas le cas de ses variantes. En effet, les suppléments tels Deadlands Reloaded, ouvrage du même auteur, demandent l’emploi du livre de base. Quoi qu’il en soit, ça n’entache en rien sa popularité et une grande quantité de ressources existent pour ce titre.
Fate Core, un JDR à créer soi-même
Il en est de même pour Fate Core. Plus narratif, ce titre s’adapte mieux pour les titres qui veulent mettre l’histoire à l’honneur que pour le combat simulationniste ou stratégique. Un titre en kit plus qu’un jeu à part entière, il fonctionne mieux quand le meneur et ses joueurs ont fini d’en personnaliser les mécaniques.
Les exemples présents dans l’ouvrage de base ne montrent pas tous le potentiel de Fate Core parmi les systèmes génériques. Pour cela, il faut consulter les modules disponibles qui introduisent des exemples de widget pour coller à divers jeux et introduire des mécaniques. La dépendance aux suppléments ne reflète toutefois pas toute sa capacité.
Freeform Universal, D6 et ambiance
Freeform Universal de Nathan Russell fait partie des nouveaux arrivants du genre. Sa deuxième édition est disponible en beta depuis le début des années 2020. Un système nécessitant une poignée de d6, il s’adresse à un public qui veut du drame ou de l’action. Ses mécaniques laissent la place à la narration et il propose d’adapter les histoires telles celles qui les inspirent sur les écrans ou dans les pages des romans.
Un pari réussi, puisque ses descendants couvrent une large palette de genre, parfois mieux que des jeux spécialisés. Par exemple, son titre, Hard City, parvient à retranscrire l’ambiance des films noirs plutôt que d’en faire un aspect secondaire d’un jeu d’investigation comme Gumshoe ou l’Appel de Cthulhu.
Cette liste n’est pas exhaustive. D’autres titans du genre incluent encore : le Cypher System qui fait un excellent jeu basé sur Star Wars, GURP qui est très complet au niveau de la modularité, le Year Zero Engine qui a donné une poignée de jeux primés, ou encore le Basic Roleplaying de Chaosium avec son D100.