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Les classes et les compétences, deux philosophies des JDR

Les classes et les compétences, deux points de vue sur les jeux

Les classes et les compétences constituent des termes familiers pour les rôlistes. Ils sont fondamentaux aux systèmes.

Quand on s’intéresse à l’histoire des jeux de rôle, on constate la diversité de leurs systèmes. Cependant, au milieu de la pluralité, on peut trouver une certaine familiarité. En effet, derrière les mots exclusifs et les mécaniques inédites se trouvent souvent deux concepts quasi indissociables des JDR.

Classes VS Compétences : les deux branches d’un même arbre

Que ce soit sous la forme de JDR papier, à travers le spectre des RPG en jeu vidéo ou en jeu de rôle grandeur nature, les classes et les compétences font partie intégrante de ces machines bien huilées. Elles les utilisent pour classifier et qualifier plus ou moins ouvertement les personnages, les PJ comme les PNJ.

Elles trouvent leurs origines dès les premières versions de Donjons & Dragons par Gary Gigax. Alors que le jeu en était encore à ses balbutiements, un mélange expérimental de wargame et de dungeon crawler, ces deux notions étaient déjà présentes.

Par extension, elles ont défini une base même du jeu de rôle, voire de la fantasy, les archétypes. Toutefois, bien que les classes et les compétences aient contribué ensemble à la fondation des JDR, les rôlistes les ont au fur et à mesure développés, explorés et pratiquement mis en opposition dans les systèmes.

C’est ainsi que l’on peut diviser les jeux de rôle en deux écoles en fonction de laquelle de ces mécaniques ils mettent en avant. D’une part, il y a les systèmes qui ont continué sur cette voie : ceux dits à classes ou à niveaux. Et d’autre part, ceux qui favorisent les compétences, donc simplement, les systèmes à compétences.

Quoi de plus naturel que de se demander lequel est le meilleur. Une question sans réponse définitive, sinon que cela dépend des attentes et des préférences de chacun. D’autant plus que la barrière n’est pas imperméable entre les jeux à classes et ceux à compétences.    

Les mécaniques de classes, un concept lié à la fondation des jeux de rôle

La classe est un principe que beaucoup de rôlistes connaissent sûrement. Elle est fortement ancrée dans les archétypes puisqu’elle est une extension quasi naturelle de ceux-ci. Le mot « guerrier », par exemple, désigne à la fois l’archétype des combattants martiaux ainsi que l’une de ses classes.

De Pathfinder à la série des Elder Scrolls, la description d’un guerrier, ses forces et ses faiblesses présentent une certaine constance. Du fait de cette renommée et de cette familiarité, on retrouve le principe des classes dans bon nombre de jeux de rôle. Parfois, les créateurs remplacent les termes habituels par d’autres plus appropriés au contexte de l’univers.

Familiarité et universalité, les mots clés des classes

Malgré tout, lire le nom des classes suffit généralement à communiquer ce qu’elles font ainsi que les compétences nécessaires ou attachées à celles-ci. Cette universalité constitue la première force de ces systèmes.

Telle une sorte de langage commun, elles permettent aux joueurs de comprendre immédiatement les implications pour les personnages avant même de comprendre toutes les mécaniques du jeu en piochant dans les expériences passées. Peu importe le jeu, le barbare a forcément beaucoup de PV et cause énormément de dégâts. Grâce à cela, les mécaniques centrées sur les classes ainsi que les niveaux offrent un haut degré d’accessibilité.

Mais pas seulement sur le plan des mécaniques. Le roleplay, cet aspect si cher aux rôlistes et pourtant si difficile, peut être facilité à travers les classes, car les compétences qu’elles délimitent constituent déjà un cadre. C’est dans ce dernier que les joueurs peuvent diriger leur imagination et formuler une narration.   

La flexibilité des compétences au sein des systèmes à classes

Ces cadres ne sont pas aussi excessivement rigides. On peut, en effet, appliquer plusieurs approches pour leur utilisation. Si à l’origine les jeux de rôle suivaient strictement une ligne directrice, de nouveaux systèmes y introduisent des dynamiques et, surtout, des options.

Par exemple, les dernières éditions de Donjons & Dragons et Pathfinder ou encore en jeu vidéo, la saga des Final Fantasy Tactics, permet de passer d’une classe à l’autre pour en accumuler les compétences. Les joueurs peuvent ainsi former un personnage inédit tout en profitant des lignes directrices tel un mage qui peut porter une armure et un bouclier tel un chevalier. Ces mélanges ont cependant des contrecoups.   

Dans d’autres jeux, les jeux Propulsés par l’Apocalypse ou dans une certaine mesure Cyberpunk Red, les classes se démarquent non plus par les statistiques. Ils possèdent une action spécifique qui caractérise ce que fait cette classe.

Il ne s’agit pas tellement d’un rôle au sens traditionnel, comme tank ou DPS, mais simplement que le hacker est celui qui peut hacker. Dans tous les cas, les joueurs peuvent se répartir les fonctions à l’avance et assurer de cette manière que les spécialités diffèrent. De cette manière, les joueurs savent que chacun aura son heure de gloire.

Par ailleurs, l’évolution graduelle et soutenue des personnages donne une réelle satisfaction aux joueurs. Que ce soit par l’expérience ou par les objectifs ou n’importe quel autre système de développement, les améliorations du personnage tandis qu’il débloque de nouvelles compétences pour sa classe/ses classes donne une échelle de progression que le rôliste peut suivre.   

Les classes old-school : l’élégance de l’essentiel

Tous les joueurs ne considèrent pas que l’augmentation progressive de  la complexité et la versatilité des classes comme une bonne chose. En effet, ils trouvent que ceci peut revenir à une surabondance de règles. Un fait qui irait à l’encontre de l’esprit du JDR. Le tout viendrait au détriment de la réflexion et de l’imagination du joueur.

Par conséquent, les jeux old-school tendent plutôt à revenir aux fondamentaux. Des classes très claires, souvent limités aux 3 ou 4 traditionnels, liés aux archétypes du guerrier, du mage et du voleur. Leurs compétences sont suffisamment définies pour savoir ce qu’elles font sans totalement brider un joueur. En général, on n’y parle pas de multiclasses et se limitent à un minimum de montée de niveaux.

Les systèmes de compétences : versatiles, mais compliqués   

Si les jeux reposant sur les classes privilégient la sécurité de la structure, ceux qui mettent en avant les compétences utilisent la quasi-inexistence de celle-ci comme une force. C’est-à-dire qu’il appartient aux joueurs de définir par eux-mêmes les aptitudes des PJ.

Il n’y aura pas de lignes pour faire un « guerrier », mais le joueur peut le dessiner à travers la liste des options qu’il a sous ses yeux. De même pour son rôle au sen du groupe. Au moyen de compétences comme la maîtrise des armes et armures, il aura créé un combattant en kit.

Cette manière de faire est venue après la précédente. Commencée par des jeux comme Traveller ou L’Appel de Cthulhu, elle est devenue celle privilégiée par les jeux qui se veulent plus « réalistes » et plus « libres ».

Pour certains, elle est aussi plus moderne. C’est peut-être un reflet de notre monde où l’on cherche de plus en plus à cacher les classifications des individus. Des mots comme « classes » ou « races » tendent à renvoyer à des idéologies négatives du passé. Par ailleurs, au niveau des jeux vidéo par exemple, les Elder Scrolls ont abandonné les classes pour le dernier volet numéroté, Skyrim, qui a été l’un de ses plus francs succès.     

La limite des compétences par rapport aux classes : la liberté

Cependant, passer d’un système où les classes donnent un cadre clair à celui où les compétences offrent toute la liberté n’est pas toujours aisé. Dans un cas de paralysie de choix, le grand nombre d’options peut empêcher un joueur de se décider. Soit parce qu’il craint de ne pas savoir créer un personnage viable, soit parce qu’il ne sait pas comment réaliser son concept.

Dans le premier cas, il s’agit souvent d’un faux problème. Comme le jeu ne s’attend pas nécessairement à ce que les personnages aient toutes les capacités, souvent très nombreuses sur la fiche personnage, il permet de résoudre les problèmes de diverses manières. Un meneur compétent pourra même improviser des solutions sur le vif comme fournir un PNJ ou tout simplement narrer la scène.

Attention cependant à deux pièges. D’une part, il faut éviter de créer un personnage trop centré sur une compétence, car il ne réussira rien d’autre. Et d’autre part, à l’inverse, se disperser dans trop de compétences dans l’espoir d’avoir toujours une chance… Pour finalement se révéler perpétuellement incompétent.

Dans le second cas, l’assistance d’un joueur plus expérimenté et un peu d’expérience suffit pour faire l’affaire. Accessoirement, un substitut à une liste de compétences pour les classes peut aussi aider grâce à des suggestions. Des suggestions uniquement, puisque, finalement, il doit ne pas y avoir qu’un moyen de définir un type de personnage.

Un système d’évolution naturel et impliqué

Ce que les compétences perdent en progression évidente en comparaison aux classes, elles les rattrapent ailleurs. Ainsi, comme la progression n’est pas aussi abrupte, il est plus aisé d’introduire de nouveaux PJ. Un avantage non négligeable quand le jeu peut être aussi létal que Traveller.

Ces systèmes de compétences se prêtent aussi à une forme de progression plus impliquée que les classes. Dans L’Appel de Cthulhu en JDR, par exemple, ou encore dans Skyrim en jeu vidéo, c’est au fur et à mesure que les personnages utilisent les compétences qu’elles s’améliorent. En conséquence, l’évolution des PJ en devient nettement plus organique. Un PJ peut prendre une voie complètement différente, que son joueur n’aurait pas considérée autrement.           

De plus ces systèmes se veulent aussi plus simulationnistes pour reprendre les termes de la LNS. Ils permettent de repousser les limites de la granularité et peuvent, théoriquement, permettre de retranscrire les règles d’un univers avec le minimum de dissonance ludo-narratif : pas de yo-yo de PV, importance de chaque élément de l’équipement du PJ, voire de son anatomie, impacts environnementaux et magiques.

Et ils y parviennent de différentes manières. Du côté des jeux les plus vieux, aucun n’égale encore le système générique GURPS, fort de décennies d’extensions. Toutefois, sa granularité est telle qu’il est recommandé d’utiliser quelques outils indispensables pour l’apprécier. Plus moderne, mais seulement disponible dans le cadre de la fantasy, on compte le tout nouveau The Broken Empires avec son système Sim-lite.

En conclusion, comme pour à peu près tout ce qui touche aux JDR, il n’y a pas de réponse absolue. Les classes comme les compétences ont chacune leurs forces et leurs faiblesses. Ainsi, il appartient aux designers de choisir le système qui correspond à leurs objectifs et aux rôlistes celui qui répond à leurs attentes.

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