in ,

Dungeon World, DnD dans la famille PbtA

Dungeon World : il était une fois dans le donjon

Dungeon World occupe une place particulière dans le monde des jeux de rôle. Il a été l’un des pionniers dans son genre.

Il arrive qu’un produit spécifique devienne tellement la référence dans un domaine qu’il devient quasiment le synonyme avec celui-ci. Ainsi, dans le cas des JDR, le gros du public les assimile souvent à Donjons & Dragons, au dungeon-crawl et à la fantasy.

La narration moderne et l’open world à l’ancienne : la formule Dungeon World

Pourtant, c’est une culture beaucoup plus vaste et beaucoup plus riche, avec d’autres mondes, gammes et styles de jeu. Et parmi les titres que l’on recommande souvent à ceux qui ne jurent que par DnD de tester, on trouve Dungeon World. Certains vont jusqu’à dire qu’il fait en fait ce que ce premier promet d’offrir.

Qu’entendent-ils par là ? Ils font ici référence au fait que DnD se vend comme un jeu destiné à raconter entre amis des aventures épiques dans un monde fantastique. Pourtant, en fonction de l’interprétation de chacun, ce n’est peut-être pas tout à fait vrai.

Cette critique vise surtout les règles du jeu. Si la 5e se veut être la plus souple et accessible, surtout dans son itération de 2024, certains la juge encore trop lourde quand il s’agit de raconter librement, aisément et rapidement des histoires incluant des actes héroïques dignes d’un blockbuster medfan. C’est ici qu’entre en scène Dungeon World ou DW.

DW apparaît d’abord en 2012 comme un nouveau jeu privilégiant la narration par rapport aux mécaniques. Il est un membre d’une nouvelle vague qui était alors naissante et qui est encore populaire de nos jours, les titres Propulsés par l’Apocalypse. D’ailleurs, Latora et Koebel, ses créateurs connaissaient le créateur d’Apocalypse World.

Plus exactement dans le cas de Dungeon World, ce dernier devient le pont entre les PbtA et Donjons & Dragons. Non pas la 4e édition ou la 3.5, mais celles d’avant, celles qui tournaient sous le cycle « Porte-Monstre-Trésor » avec un monde ouvert autour. Ce style de jeu à l’ancienne que l’on retrouve dans l’OSR, mais avec les mécaniques plus modernes et spontanées d’Apocalypse.

Apocalypse World en mode medieval fantasy

Concrètement, DW reprend les structures de base des PbtA : des actions sur 2d6. Celles qui ont fonctionné pour le jeu originel, et marchent toujours pour Monsterheart, Thirsty Sword Lesbian, Blades in the Dark, Ironsworn ou encore Horrifique. Il y ajoute ensuite des éléments venus de DnD, comme les 6 caractéristiques, mais adaptés à ce système narrativiste.

Une histoire de classe

Pour la création des PJ, on retrouve la fiche unique par classe avec des actions inédites pour chacune. Dungeon World compte un total de 12 classes : le Barde, le Clerc, le Druide, l’Éclaireur, le Guerrier, le Magicien, le Paladin, le Voleur, le Barbare, le Cambrioleur, le Chaman et l’Immolateur. Chaque joueur devrait prendre SA classe pour la partie, sans qu’il n’y ait de doublon.

Les PJ commencent au niveau 1 et se renforcent au moyen des points d’expérience. Ceux-ci ne se gagnent pas qu’en battant des monstres, ils proviennent aussi de la narration. Échouer à accomplir des actions récompense le personnage par de l’Exp, de même que résoudre ses conflits avec d’autres personnages, accomplir une action en rapport avec la combinaison de sa classe et de son alignement… DW récompense le joueur pour sa participation.

Le but du MJ : faire vivre Dungeon World

Du côté du meneur, il se veut une boîte à outils, clé en main, en bon PbtA. En théorie, Dungeon World invite le MJ à faire le minimum, voire aucune préparation afin de coopérer avec ou bien laisser la table construire le monde. Au moyen de leurs actions ou leur inaction en réponse à l’évolution du monde, les PJ le façonnent.

Pour cela le livret dote les meneurs d’outils qui fonctionnent d’ailleurs aussi pour d’autres jeux. L’un des plus notables, les fronts, est en fait un ensemble d’horloges. Déjà présent dans Apocalypse World, il s’agit de cadrans qui permettent de suivre l’évolution de certaines situations à travers le monde de jeu : les plans du BBEG, les préparations d’une faction… Ils mettent de la vie dans ces univers.

Les héritiers de Dungeon World

Grâce à sa souplesse et ses aspects alors innovants, Dungeon World a gagné de multiples prix dès 2012 et rassemblé une communauté de fans. Cette dernière a produit ses extensions, traductions et variations du jeu. Une tâche d’autant plus facile et possible que le jeu emploie un SRD, un document libre de droits qui résume les règles et que chacun peut utiliser à sa guise.

On peut donc ainsi parler d’une nouvelle branche des PbtA qui tourne sous Dungeon World. Il s’agit pour certains d’éléments de jeu additionnels et de guides qui visent à aider les rôlistes avec certains cadres narratifs spécifiques. Par exemple : Class Warfare qui introduit de nouvelles classes, En Terres Sauvages qui met en place des aventures en extérieur, ou bien encore Impitoyables Bourgades qui se concentre sur les paysages urbains.

Comme l’attestent ces titres aussi, DW existe en France. Si ces suppléments et scénarios sont sortis chez des éditeurs divers, les intéressés peuvent souvent les trouver chez les marchands habituels, tel Philibert. En revanche, ce n’est pas encore le cas de certaines créations qui se veulent l’héritière du jeu de base.

Bien qu’il ne cite pas Dungeon World, Fantasy World qui se veut encore plus accessible en fait partie. Ici, l’auteur critique l’aspect souvent un peu ésotérique des PbtA et offre sa porte d’entrée pour ceux qui voudraient les découvrir à travers un jeu mêlant narration, aventure et action dans un grand monde de fantasy.

Un peu l’inverse de Grim World donc, qui propose une approche dark fantasy de DW et de Fate Core. En plus d’un monde plus sombre et brutal, Grim World propose aussi des options différentes pour la création de personnages puisqu’il permet de dépasser les limites de la race/classe/alignement qui sont présentes dans DW.  

En route vers la 2e édition ?

Mais en 12 ans, les créateurs n’ont-ils jamais pensé à proposer une nouvelle version du jeu ? Techniquement, il existe un Dungeon World 2e édition, mais en version française. Financé sur Ulule en 2016, il visait à apporter la version définitive du jeu dans l’Hexagone. Du côté des créateurs originaux, il n’y avait pas de plans officiels… Tout du moins jusqu’à récemment.  

À travers le Discord anglophone, Luke Crane, le papa de Burning Wheel (qui avait racheté les droits de DW en 2016), a évoqué le lancement du projet. Il demande donc à la communauté de se manifester pour avancer des suggestions. Deux ombres cependant planent sur ce tableau.

La première, c’est le problème identitaire de Dungeon World. Sa niche entre PbtA et DnD fait que différentes parties de la communauté voudraient plus de l’un ou de l’autre pour cette nouvelle édition. Le risque serait de léser une partie du public en prenant un parti.

La seconde et peut-être plus grave, ce sont les suspicions autour de l’implication de Koebel dans ce projet. L’un des créateurs originaux de DW, il avait fait scandale en 2020 suite à une histoire de consentement durant un actual play. Choquant étant donné qu’il fait partie des initiateurs de l’inclusion des outils de sécurité dans les livrets de règles.

 Crane a depuis confirmé qu’aucun de Latora et Koebel ne participera à cette élaboration collective. Mais quel sera donc l’avenir de la 2E de Dungeon World ? Une commu partagée, un environnement plus compétitif avec Daggerheart et Legend in the Mist… C’est une nouvelle aventure qui l’attend. 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *