Dans la grande famille des JDR lovecraftien, on trouve une branche particulière : Delta Green. Né du grand-papa AdC, il s’est fait sa propre niche.
Parmi les auteurs marquants de littérature du début de la première moitié du XXe siècle figure Howard Phillips Lovecraft. Si on dit de lui qu’il a raté sa vie, il n’a pas raté son œuvre. Presque un siècle plus tard, on retrouve son héritage dans la culture populaire.
Delta Green, d’un supplément de JDR lovecraftien moderne…
C’est le cas des jeux de rôle. Sans compter les créatures et divinités qui font un clin d’œil à ses écrits dans les jeux comme Donjons & Dragons, des titres visent à faire jouer des aventures dans son monde ou son style. Le premier avait été L’Appel de Cthulhu. Mais, depuis, d’autres JDR ont multiplié la famille des jeux lovecraftien dont Delta Green.
Il trouve ses origines dans le jeu de Chaosium au cours des années 90 chez Pagan Publishing. En effet, Delta Green avait d’abord été un cadre de campagne pour la branche moderne des scénarios de L’Appel de Cthulhu. Il tient son nom d’une organisation éponyme fictive dont le rôle est de protéger les États-Unis, et plus largement le monde, des menaces paranormales.
En quelque sorte, Delta Green est une version JDR des X-Files ou de SCP, mais avec un twist lovecraftien. Ses agents viennent principalement des autres organisations gouvernementales ou de l’armée américaine, mais peut aussi inclure des civils de toutes les couches de la société.
Ceci laisse une pluralité de scénarios possibles pour Delta Green. Suivant son lore, d’ailleurs, l’organisation s’inscrit dans le canon lovecraftien en ayant vu le jour en conséquence des incidents de L’Ombre Sur Innsmouth. Par la suite, elle a pris part à la Seconde Guerre mondiale, la Guerre froide, l’Indochine, le 9/11… Malgré ses hauts et ses bas, elle continue d’opérer dans les années 2010.
… à un jeu indépendant
Une date qui n’est pas anodine. En effet, si Delta Green avait débuté comme extension de l’AdC, il devient un JDR lovecraftien à part au milieu des années 2010. Plus exactement, en 2016, Arc Dream Publishing le sépare en une gamme à part, entièrement indépendante, de Chaosium.
Sa première vague comprenait alors un livret pour les Agents (le nom des PJ, l’équivalent des Investigateurs dans l’AdC), un écran pour le Handler (le titre du meneur, le Gardien de l’AdC) et un kit de démarrage « Need to Know ». L’année suivante, Arc Dream publie le livret du Handler en plus de plusieurs scénarios et campagnes.
Depuis, la presse ne s’est plus arrêtée. La gamme de JDR continue de grandir avec de plus en plus de scénarios lovecraftien et ses propres suppléments de contexte, comme The Fall of Delta Green, qui délaisse notre monde moderne pour le décor de la Guerre froide.
Le jeu d’Arc Dream a fait ses preuves auprès de la communauté des rôlistes en gagnant des prix. En effet, dès 2016, il revient des Ennies avec deux médailles, dont l’or pour « Need to Know ». On l’y retrouve régulièrement chaque année. Et en 2024, le scénario « God’s Teeth » est reparti avec la première place pour la meilleure aventure longue. Il l’emporte sur « Alone Against the Static », un scénario solo de… L’Appel de Cthulhu !
Les rouages de Delta Green : l’horreur d’être un agent fédéral
Mécaniquement, Delta Green garde une partie des fondations du BRP de son géniteur. Ainsi, ses mécaniques continuent d’employer un système de caractéristiques et de compétences où les actions se résolvent avec des jets de 1d100. La santé, la volonté et la santé mentale restent de la partie.
Cependant, Delta Green tente de simuler en JDR l’aspect un peu nihiliste du canon lovecraftien. Les agents, s’ils sont des professionnels, restent des humains qui font face à des forces qui les dépassent. Il a des Liens qui le rattachent à son quotidien et un Point de Rupture qui limite sa capacité à faire face à l’horreur. Au-delà de celui-ci, l’agent commence à perdre la raison.
Les combats présentent aussi un certain niveau de létalité étant donné la puissance de certains assaillants surnaturels et des armes modernes. Une mécanique permet d’ailleurs de déterminer si, éventuellement une cible meurt immédiatement suite à une attaque ou si elle s’en sort avec seulement de lourdes conséquences au niveau des PV.
La violence comme souvent dans les JDR lovecraftien, est rarement une solution pour les agents de Delta Green. D’autant plus que le statut de représentants officiels du gouvernement dans notre monde contemporain introduit aussi son lot d’opportunités et de difficultés que les rôlistes ont à prendre en compte.
La paranoïa envers les fédéraux et les théories du complot lui donnent une dimension proche, réelle et actuelle. Ce qui est loin du détachement de l’Appel de Cthulhu, d’Horrifique, Lovecraftesque et des multiples jeux du genre. À découvrir donc, d’autant plus qu’une version VF arrive prochainement.