Shadowdark RPG semble au premier abord un énième jeu OSR/DnD. Sa conception particulière lui a permis de se démarquer dans cette arène.
Il est indéniable que la 5ème édition de Donjons & Dragons a amené une nouvelle génération de rôliste dans le hobby. Cependant, ils n’y se sont pas tous cantonnés et certains ont osé s’aventurer dans le passé de la gamme pour trouver de l’inspiration.
Le rencontre entre les passions de Kelsey Dionne
Telle est l’aventure de Kelsey Dionne. Ayant fait ses armes avec la dernière édition du jeu, incluant la rédaction de scénarios acclamés et surtout la boutique The Arcane Library en 2017, elle a lancé un projet de jeu en 2023 : Shadowdark RPG. Son financement participatif sur Kickstarter a réuni plus d’un million de dollar.
Sa philosophie mélange le meilleur de deux mondes du RPG : la vieille école et les jeux modernes. Des deux, elle conserve la familiarité, mais en privilégiant aussi leurs forces respectives et rajoute enfin sa touche personnelle. Ainsi, l’intuitivité et la qualité de vie de la 5è édition renforcent l’expérience simple, mais riche unique aux jeux OSR.
Shadowdark RPG ne se réclame pas comme un rétroclone. Il enrichit le style de jeu nostalgique des premiers JDR avec les innovations des 50 dernières années. Ceci se retrouve, par exemple, dès les fondations de ses mécaniques de jeu.
Les aventuriers dans Shadowdark RPG
Fondamentalement, il repose sur un d20, les 6 caractéristiques habituelles et la répartition des personnages en classes. Celles-ci ne se limitent qu’à l’essentiel avec le guerrier, le prêtre, le voleur, le mage, le barde et le rôdeur. De plus, chacune ne nécessite qu’une ou deux pages pour lister les informations les concernant.
Celles-ci comprennent l’équipement, les points de vie, les langues et les capacités qui leur sont uniques. Si tous les PJ d’une même classe possèdent ces éléments en commun, chacun doit aussi jeter 2d6 pour déterminer son talent parmi une liste de 5 possibles. Au fil des niveaux, un PJ gagne en PV et en talents ainsi qu’en sorts pour le prêtre et le mage.
À la différence des JDR de fantasy les plus anciens, Shadowdark RPG divise totalement la classe et la race (ici appelée ancestralité, comme le veut la modernité). Au début de la partie, un joueur choisit un de chaque pour son avatar en plus d’un background qui peut lui fournir un avantage selon la situation.
Les aventuriers possèdent aussi un alignement. Élément essentiel pour certains TTRPG, généralement, il n’a pas réellement de rôle au sein de ce système de jeu. Cependant, il existe une exception à cette règle puisqu’il n’a réellement d’importance que pour les prêtres : elle détermine de quel dieu ils sont les serviteurs.
Shadowdark RPG embrasse deux approches quant il s’agit du niveau de départ des PJ. Ainsi, ils peuvent commencer au niveau 1 ou prendre la voie de Dungeon Crawl Classic. Il s’agit alors pour chaque joueur de se générer aléatoirement une poignée de personnages de niveau 0 qui vont se lancer dans une aventure périlleuse. Appelé « funnel », les personnages qui s’en sortent vivants montent au niveau 1 et à ce stade seulement, ils deviennent des aventuriers.
Explorer les ténèbres : le cœur de Shadowdark RPG
Les gains de niveaux dans Shadowdark RPG reposent sur un système de points d’expérience inspiré des vieux JDR de fantasy. Les nombres sont faciles à compter. De plus, plutôt que le style un peu MMORPG des jeux modernes qui assimile le gain d’EXP avec la victoire sur des ennemis, le jeu de Kelsey Dionne récompense aussi l’exploration.
Afin de faire une simplification, les trésors que ramènent les PJ et l’ingéniosité des joueurs constituent une source d’EXP. De ce fait, ils ont une raison de s’aventurer dans les donjons et, surtout, de ménager leur inventaire et leur temps afin d’en sortir pour revenir une autre fois avec l’espoir d’aller plus loin.
Fidèle à son nom, Shadowdark RPG joue avec l’obscurité. En effet, d’une part, aucun PJ n’a de vision dans le noir. Une décision que beaucoup saluent puisque cet attribut a une mauvaise réputation auprès des joueurs OSR. Ils voyaient en effet d’un mauvais œil sa tendance à rendre trivial un obstacle qui contribuait au challenge dans les vieux donjons.
D’autre part, il utilise aussi un système en temps réel pour la chronologie. Ainsi, les torches, essentielles pour traverser les donjons obscurs, ne durent chacune qu’une heure dans la vraie vie. Les joueurs doivent donc tenir compte de ce paramètre et se dépêcher dans leurs prises de décision.
Et cette philosophie reste présente dans le reste du livret de Shadowdark RPG. Quelques lignes suffisent pour expliquer chaque mécanique comme les sorts, les combats ou encore le repos. Cette « mollesse » constitue une part importante de l’identité du jeu et de son emprunt aux vieux RPG.
Un jeu MJ-friendly
« Ruling, not rules » disent-ils. Le maître de jeu n’a réellement qu’une règle, c’est qu’il les fait et sa parole prend le dessus sur le livret. De ce fait, il a le droit de modifier, ajouter et retirer des éléments s’il juge que ceci conviendrait mieux à sa table. Il peut d’ailleurs le combiner assez aisément avec d’autres contenus pour les OSR et 5E.
Par extension, le MJ en devient un arbitre neutre. Son rôle est avant tout de conduire le monde en réponse aux actions des joueurs. S’il n’est pas leur ennemi, il n’a pas à les favoriser et doit laisser leurs décisions et leurs jets guider l’aventure.
Pour finir, l’ouvrage contient aussi une collection d’aides de jeu pour assister les MJ. Nouveaux — venus ou chevronnés, ceux-ci peuvent apprécier les conseils, les règles alternatives ou encore les multiples tables aléatoires qui facilitent leur travail.
Shadowdark RPG : un avenir radieux pour un jeu très sombre
Simple, brutal, bien illustré, Shadowdark RPG a fait parler de lui depuis son lancement. Il a ainsi réussi à se faire une place dans les nominations aux ENNIES 2024 dans 4 catégories. Ces derniers incluent des classes diverses : meilleur layout et design, meilleur jeu, meilleurs règles et produit de l’année. Dans le fond comme la forme, ce jeu avait séduit le public.
Et, sans surprise, il n’est pas rentré bredouille! Bien au contraire, durant la GenCon, les gagnants des ENNIES ont été révélés et ce titre figurait parmi les plus plébiscités. En effet, face à une compétition intense, incluant Outgunned et EAT THE REICH, le jeu de Kelsey Dionne a raflé tous les prix pour lesquels il avait été nominé.
La victoire de Shadowdark RPG ne constitue pas qu’un grand honneur pour ses créateurs. Elle est aussi une reconnaissance des jeux de la vieille école et de la recherche de l’innovation. Ancré dans la philosophie des premiers jeux, mais à laquelle on a ajouté un demi-siècle d’héritage, cette consécration ne pouvait pas mieux tomber qu’en ce jubilé du JDR.
En célébration, on peut espérer que les éditeurs français se jettent dessus pour l’importer dans l’Hexagone. Pendant ce temps, l’auteur continue de travailler pour développer ce jeu.
Suivant sa promesse de lancer un supplément pour jouer en solitaire, Kelsey Dionne propose en ce moment un actual play solo de Shadowdark RPG sur sa chaîne YouTube. L’occasion aussi de la (re)découvrir, ainsi que de se former aux règles très intuitives du jeu.