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L’horreur dans le JDR, jouer avec la peur

L’horreur dans le JDR, l'art de la terreur

L’horreur dans le JDR est un exercice intéressant, dans la fiction en général même. Il implique beaucoup de subtilité et de diversité.

Le jeu de rôle est une forme de distraction et en tant que telle, on le pratique à la recherche d’évasion et d’amusement. Aussi, il peut sembler bizarre, voire impossible, pour certaines personnes de l’assimiler au concept d’horreur qui semble appartenir au champ lexical opposé.

L’art de l’horreur dans la fiction : des livres aux JDR

Pourtant, que ce soit dans la littérature, le cinéma, les jeux de plateaux, les jeux vidéo et les JDR, l’horreur est un genre très apprécié. En fait, ce que l’on y cherche, c’est la stimulation. Un bon scénario horrifique apporte une petite sensation de malaise qui n’élimine pas le plaisir de l’activité.

En effet, il ne suffit pas d’enchaîner les jump scare ou de faire une surenchère de gore et de dépravation pour faire de la bonne horreur. Sur le coup, ces éléments peuvent choquer l’audience, mais ce serait limiter le potentiel du genre. Il existe différentes manières de faire de l’horreur et tous ont un élément en commun.

De Poe à King, en passant par Lovecraft et Romero, qu’on soit lecteur ou spectateur, on est pris par leur aptitude à manier les codes du genre pour susciter une réaction physique de la part de l’audience. Le spectre de ces réactions est vaste. Il y a la peur, bien sûr, mais aussi d’autres comme le dégoût, la confusion, la tristesse, voire le rire.

En conséquence, c’est aussi ce que les maîtres de jeu (et les joueurs parfois) doivent chercher à accomplir pour insérer de l’horreur dans le JDR. Indépendamment du système ou de l’univers du jeu, cette idée de base tient toujours.

Pour autant, est-ce que le choix du système en devient un facteur nul? Je pense que non pour la simple raison que certaines gammes conviennent mieux à l’horreur que d’autres. Et on peut aller plus loin. En effet, en fonction du genre d’horreur et de l’intégration de ses éléments dans les mécaniques, on peut choisir un titre spécifiquement adapté à ce besoin.

L’ambiance, la porte vers l’effroi

Cette question d’ambiance est primordiale, car l’horreur, c’est de l’immersion, dans le JDR plus que dans les autres médias. En effet, ce n’est pas le joueur qui vit l’histoire, c’est son avatar.

En réponse aux menaces qui pèsent sur le PJ, c’est le joueur qui doit ressentir les émotions. Dans la sécurité de sa chaise, le joueur doit craindre pour la vie de son personnage poursuivi par les monstres, par exemple.

L’horreur dans le JDR à travers les accessoires

Une bonne manière de parvenir à insérer l’horreur dans le JDR, c’est de travailler l’ambiance autour de la table. Les actual play et les kits officiels de JDR d’horreur le démontrent bien : on ne lésine pas sur les accessoires quand il est question d’immersion et d’horreur puisqu’ils créent d’autres liens sensoriels entre le joueur et le jeu.

Sans aller jusqu’au niveau professionnel de Graveyards of Arkham ou de The Velvet Lodge, le meneur peut prévoir quelques outils à sortir au cours de la partie. Durant la période autour d’Halloween, par exemple, les magasins proposent diverses décorations appropriées ou du faux sang.

Pour les plus bricoleurs, ils peuvent se référer aux tutoriels sur Internet ou improviser suivant leur imagination. De petits jouets en plastiques, de la pâte à modeler ou du papier mâché sont accessibles et faciles à travailler. Pour aller plus loin, on peut aussi prévoir des accessoires comestibles. 

L’imagination des joueurs peut aussi faire le lien entre certains accessoires spécialisés et l’horreur dans le JDR. Avec l’offre abondante de jeu de rôle sur le marché moderne, y compris virtuel, les rôlistes ont l’embarras du choix. Il existe, par exemple, des dés imitant les os ou la couleur du sang.

Parler aux 5 sens des joueurs

L’environnement est aussi un allié de choix pour le meneur de jeu. Jouer dans l’obscurité, à la lueur des bougies, transmettent déjà une ambiance destinée à se raconter des histoires d’horreur. Afin d’obtenir le meilleur effet, il faut privilégier l’emploi des fiches papier afin que les écrans ne cassent pas l’ombre qui enveloppe la table.

Cette idée n’est pas idéale en toute situation. En effet, elle implique beaucoup de problèmes pour lire les fiches ou encore les résultats des lancers de dés. Comme solution, les rôlistes peuvent choisir entre  différentes options. Ainsi, on trouve des jeux comme Ten Candles, qui tient déjà compte de ce facteur, limiter les jets à un logiciel installé dans un seul téléphone à la portée de tous ou entre les mains du meneur de jeu. Il annonce les jets, le fait sur l’appareil et montre le résultat à tous, à l’instar de ce qui se fait sur Globtopus.

Ensuite, il y a aussi l’opportunité d’employer des stimuli sonores. D’une part, par l’ambiance musicale en choisissant des musiques adaptées que le meneur va diffuser à un volume approprié. D’autre part, par les effets sonores qui vont donner vie aux évènements en cours : les pas sur le plancher, le grincement des gonds, les coups de feu…

Le son ne s’emploie pas n’importe comment cependant. Le meneur doit les préparer sur du matériel adapté (un soundboard) et maîtriser l’art du timing afin de diffuser la piste approprié à l’instant approprié. Sur ce plan, l’horreur sonore dans le JDR nécessite de l’intention de la part du MJ.

L’Horreur dans le JDR : un lien entre le joueur et son personnage

Maintenant que le ton est posé autour de la table de jeu, qu’en est-il de la diégèse ? Dans la fiction, le meneur peut déployer diverses stratégies en fonction de deux critères. D’un côté, il y a les joueurs et de l’autre, il y a le jeu.

En effet, puisque ce sont les joueurs qui doivent ressentir des émotions et que la réaction de chacun diffère au niveau personnel, le meneur doit connaître les participants. Ceci ne veut pas dire exacerber leurs phobies en les plaçant à tout-va partout dans le scénario, mais par touche acceptable. L’horreur doit amuser et non traumatiser les joueurs.

L’objectif est de sortir tout ce beau monde de sa zone de confort. Par extension, on peut aussi employer différents tropes de la fiction d’horreur et l’appliquer dans le JDR. Voici quelques-uns qui ont fait leurs preuves puisqu’ils jouent sur le sentiment d’impuissance.

Puisque les joueurs sont plongés dans l’obscurité, le meneur peut aussi en faire de même pour les PJ dans le jeu. Plus possible dans le format one-shot ou dans un donjon que pour une longue campagne, l’obscurité omniprésente permet de cacher la menace aux yeux des PJ et de convoyer précisément les zones sécurisées.

Face aux dangers, l’homme recherche cette sécurité et souvent, il la trouve dans le nombre. Dans ce cas, le meneur peut envisager de séparer les PJ et les PNJ au cours de la partie. Ainsi, en jouant avec l’isolement, on peut briser ce refuge pour maintenir l’horreur dans le JDR.

Décrire l’horreur dans le JDR

Dans la forme, l’horreur repose aussi beaucoup plus sur la narration que l’action ou le combat. Là où celle-ci met de la couleur dans celles-ci, elle fait toute la substance pour les scénarios horrifiques. C’est ainsi que le meneur peut mettre du suspens dans la partie.

Hitchcock est la figure de référence quant au suspens dans la fiction. Et à ce sujet, il démontre l’importance de faire savoir aux spectateurs que le danger existe et est imminent. Similairement à son exemple sur la bombe, le meneur doit laisser ses joueurs (et éventuellement) ses PJ savoir qu’une menace pèse sur eux avant de les surprendre.

Lovecraft est célèbre pour sa capacité à décrire (ou plutôt à ne pas décrire) l’horreur. Fidèle à sa citation sur la peur de l’inconnu, il cherche à utiliser les mots effrayés et confus de ces protagonistes plutôt qu’une image fidèle. C’est un style que le meneur peut employer pour que l’horreur du JDR prenne racine dans ce qui est familier pour les PJ.

Un schéma horrifique

Pour finir, l’horreur ne doit pas être omniprésente. L’espoir et l’humour ont leur place aux côtés de la terreur qu’ils ne font qu’accentuer. Ainsi, comme pour le combat, même quand il est le cœur du jeu, il doit laisser place à des moments de tranquillité : l’effroi a un rythme.

Un exemple de schéma pour ce genre de scénario commence par une situation normale. C’est dans ce cadre de sécurité que les personnages découvrent l’existence de la menace qui rôde autour d’eux. L’horreur va ensuite aller en grimpant en se découvrant au fur et à mesure, par alternance de moments de tranquillité de plus en plus espacés et d’une terreur de plus en plus intense jusqu’au moment climatique. Après, la tension retombe…

La fin d’un scénario d’horreur dans un JDR peut être heureuse ou dramatique. Idéalement, elle ne doit toutefois pas totalement éclipser l’horreur : quand bien même les PJ ont réussi à survivre, voire à vaincre celle-ci, en suggérant son possible retour, le meneur évite de le rendre oubliable.

Quelques inspirations pour choisir son système

Toutes ces astuces sont généralement déjà employées ou du moins recommandées par les jeux destinés au genre de l’horreur. L’Appel de Cthulhu avec son bestiaire immense de créatures incompréhensibles, Kult Divinity Lost et son approche de l’horreur psychologique ou encore Horrifique avec l’horloge de l’horreur pour rythmer les risques apportent tous leur touche unique.

L’univers de Lovecraft est aussi l’un des plus populaires quand il s’agit de l’horreur dans le JDR. En plus de l’AdC, sous sa forme classique, les rôlistes peuvent choisir d’autres univers et même d’autres styles de jeu à travers les multitudes de variantes et de gammes alternatives qui existent. Par cette modularité, on peut ainsi créer un scénario d’horreur sur mesure.

Il n’est pas impossible de les transposer à d’autres jeux comme DnD. Le jeu de base ne s’y prête certes pas beaucoup, mais les rôlistes n’ont pas manqué de créer leurs règles maison et leurs modules inédits. Les jeux vidéo Bloodborne ou encore Darkest Dungeon ont d’autant plus popularisé ce genre.

La philosophie dans les titres de la tendance Old School Revival, comme Shadowdark, peut faciliter le travail d’un meneur qui souhaite les employer pour faire un JDR d’horreur. L’accent sur l’exploration, la létalité des combats et des pièges transmettent déjà une ambiance de survie digne d’un slasher.   

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