EAT THE REICH, un jeu de mot devenu jeu de rôle qui ne se prend pas au sérieux. Des parties de rigolades en perspective!
Les arts narratifs permettent d’explorer diverses situations, dont les problèmes de la société. Les JDR ne font pas exception : certains les utilisent pour parler d’inclusivité, d’homophobie et d’autres mal-êtres contemporains (Monsterhearts)…. Et puis, certains sont juste des défouloirs!
Un jeu qui raconte bien une histoire simple
Pour être clair dès le départ : ces deux approches se valent! Un jeu de rôle n’a pas à proposer de problématiques éthiques, philosophiques ou autres pour être un bon jeu et de même. Un jeu sans profondeur au-delà d’être un divertissement où le scénario tiendrait du cadavre exquis peut très bien fonctionner.
Comme c’est le cas avec EAT THE REICH. Selon son créateur, ce titre a pour origine un simple jeu de mot avec le slogan « eat the rich ». Ayant réalisé que rich et reich n’ont qu’une lettre de différence, il a décidé d’en faire un jeu de rôle.
D’où ce principe rocambolesque : les personnages joueurs sont des vampires parachutés dans leurs cercueils au-dessus de Paris sous l’Occupation. Ce groupe de commando dracula n’a qu’une ultime mission, tracer une voie sanglante à travers les lignes nazis afin d’atteindre le Führer en personne! Une prémisse qui rappelle la saga des Wolfenstein ou le manga Hellsing.
Héritage fortuite ou référence discrète, EAT THE REICH s’inscrit dans la même ambiance violence et over-the-top de ceux-ci. Les PJ constituent de véritables menaces surhumaines qui massacrent des soldats nazis par douzaines, tout en encaissant les tirs de fusils automatiques et en détruisant chars d’assaut et bunkers.
Les mécaniques cinématiques et exagérées d’EAT THE REICH
Cette aventure est linéaire, pensée pour être jouée en une session, ou au plus une poignée de soirées. En conséquence, le système propose juste l’essentiel pour accomplir son but. Un livret de 72 pages, 6 personnages prétirés (pas de création de PJ), une carte (inexacte) de la Ville Lumière occupée et une dizaine de d6 constituent le matériel.
Mécaniquement, l’auteur avait d’abord opté pour le culte Propulsé Par l’Apocalypse avant de se raviser pour le système Havoc. Mis au point pour le jeu HAVOC BRIGADE, il permet de récompenser la violence créative pour atteindre les Objectifs ou affronter les Menaces.
Roleplay oblige cependant, une mécanique de flashback permet de développer les personnages. De ce fait, que ce soit Nicole, la résistante férue d’explosifs ou Chuck le cowboy pourrissant, chacun a un passé qui l’a amené dans cette ultime mission pendant la Seconde Guerre mondiale. Leur courte aventure constitue aussi une occasion de s’améliorer en buvant de l’Ubermensch.
EAT THE REICH sait toutefois qu’il n’est pas un jeu pour tout le monde. Entre l’évocation du régime nazi ainsi que son contenu ultra violent et gore, il marche sur des œufs sur plusieurs aspects bien qu’il soit fantastique au possible et qu’une équipe de relecteurs soit passée par là. Mais, finalement, il reste simplement une comédie, un peu noir, s’adressant aux joueurs qui peuvent apprécier sa fantaisie.
Une victoire surprise?
Comme cette présentation le montre, EAT THE REICH se démarque comme un titre osé. Entre l’omniprésence de la violence ou encore l’absence de la phase essentielle de la création de personnage, ce titre se place aux antipodes des considérations traditionnelles et modernes de l’industrie du divertissement.
Il se fait ainsi une niche particulière qui en fait une anomalie sur la scène du JDR de 2024. Ni un énième jeu propulsé par l’Apocalypse, ni une autre réinvention de la philosophie des titres à l’ancienne et encore moins une modernisation de DnD, il a finalement plus de personnalité que presque n’importe quel titre populaire du moment.
Ceci lui a permis de se faire remarquer par le grand public. En effet, EAT THE REICH a été désigné pour 4 nominations au cours des ENNIES de 2024.
Elles montrent sa force en tant que jeu de rôle. D’une part, son format : il a concouru pour le titre de la meilleure aventure courte. D’autre part, sa présentation par ses illustrations, sa couverture comme son intérieur, concouraient aussi dans leurs catégorie. Enfin, le tout pouvait devenir le produit de l’année.
Quel bilan finalement pour ce petit jeu atypique? Une grande célébration, puisqu’il a remporté ¾ des catégories. Au final, la seule des médailles qu’il a été incapable de ramener est celle de produit de l’année, remporté par Shadowdark RPG. Un exploit pour un jeu si différent des standards du JDR.