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Règles maisons et JDR, le laboratoire du rôliste

Les règles maisons constituent un vaste sujet de discussion de chaque communauté de JDR. Elles permettent de vraiment en faire un loisir sur mesure.

L’apanage des jeux de rôle dans le monde ludique c’est leur flexibilité à être modifiée à la guise de chaque table. En effet, paradoxalement, s’ils viennent avec des pavés de règles, elles sont en fait plus des guides que des lois du moment que les participants soient d’accord.

Définition des règles maisons en JDR

Ainsi, souvent insatisfaits par les règles des créateurs de jeux, les meneurs et leurs joueurs ont commencé à introduire des règles maisons (« houserules ») dans leurs JDR. Il s’agit de modifications, d’ajouts ou de retraits aux règles d’un jeu telles que son créateur les a conceptualisées.

Pour nos besoins, nous allons les différencier des homebrews, les créations comme les monstres ou les classes. Ici, il est question de transformations aux mécaniques tels que les jets ou encore la résolution de certaines situations.

Pourquoi créer des houserules ?

Le besoin d’incorporer des règles maisons dans les JDR vient d’un constat qui rappelle celui qui a donné naissance à la théorie LNS : pourquoi beaucoup de joueurs ne s’amusent-ils pas ? Ici, la réponse se trouve dans les règles. Malgré les efforts de leurs créateurs, les mécaniques ne peuvent pas satisfaire tout le monde.

Meneur comme joueurs peuvent, par exemple, juger qu’elles ne sont pas logiques, ou qu’elles rendent le tout trop facile ou trop difficile voire, pourquoi pas, trop lents. Or dans le cas de petites failles, plutôt que de changer complètement de système, il vaut mieux improviser un petit ajustement similaire à un patch de jeu vidéo.

Au niveau de l’expérience du JDR, l’intégration de règles maisons peut aussi permettre de plus ou moins la personnaliser. Ainsi, selon l’envie du groupe, l’ambiance recherchée ou même pour la simple curiosité (« et si on essayait ceci à la place ? »), les rôlistes peuvent tester d’apporter de petits changements aux règles.

Comment intégrer des règles maisons à son JDR ?

Cependant, ceci ne se fait pas à l’aveuglette. En effet, mal gérées, les règles maisons peuvent gâcher l’expérience, voire défaire la partie à cause d’un litige. Elles peuvent aussi avoir des conséquences inattendues sur d’autres aspects du jeu, par effet de domino ou par effet papillon.

D’une part, il se peut que les changements doivent être apportés en cours de campagne. Dans ce cas, le meneur et les joueurs doivent se concerter pour arriver à un agrément qui satisfait tout le monde. Alternativement, certains groupes peuvent privilégier le « rule of cool », c’est-à-dire choisir d’opter pour une règle qui rend la partie la plus amusante. 

D’autre part, si le meneur a opté pour des règles maisons par lui-même pour ses JDR, il doit en informer la table (de préférence) dès la première partie. Ce genre de décision, cependant, doit être prise uniquement pour que le meneur puisse apporter une meilleure expérience pour tous.

De plus, avant de décider de modifier le système, il faut d’abord le comprendre. Il ne s’agit pas seulement de pouvoir réciter les règles telles qu’elles sont écrites, mais de comprendre pourquoi elles sont ainsi. Une illustration simple : utiliser 1d20, 2d10 ou 5d4 n’assure pas les mêmes probabilités. 

Ensuite, ces règles maisons doivent être testées avant leur application. Elles peuvent ne pas résoudre les conflits ou pire, « casser » le jeu. Les plus « savants fous » des rôlistes peuvent cependant oser utiliser leurs parties comme cobayes en partant du principe qu’on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs.   

Enfin, une fois qu’on les a appliquées, il ne faut pas hésiter à revenir dessus. Créer un JDR n’est finalement jamais une tâche terminée, aussi, si les règles maisons ne fonctionnent pas du premier coup, on peut encore les modifier.

Où trouver des houserules ?

Si l’aventure vous tente, il existe plusieurs méthodes pour trouver des règles maisons, en voici trois.

Premièrement, comme toutes les créations maisons, les communautés de JDR ont sûrement déjà discuté des règles personnalisées. Demander dans les forums permet donc de trouver des suggestions mécaniques qui ont fonctionné à d’autres tables, en particulier en réponse aux problèmes. Cependant, l’abondance des réponses peut submerger l’auteur de la question. De plus, rien ne garantit que toutes ces réponses conviennent à sa table, chacune étant différente.

 Deuxièmement, le meneur peut emprunter à sa propre connaissance des jeux de rôle. Ici réside l’importance de découvrir différents JDR au lieu de rester dans une niche précise : faire des emprunts et en faire des règles maisons, que ce soit d’autres éditions du même système ou complètement d’autres jeux.

On peut choisir d’intégrer des règles maisons à un système pour enrichir des pans du jeu qui sont « inférieurs » à ceux d’un autre JDR. Par exemple, si le système de Donjons & Dragons fonctionne bien pour les combats, L’Appel de Cthulhu le surpasse en investigation et Monsterhearts les bat tous les deux en termes d’interactions sociales.

Troisièmement, et de préférence pour les rôlistes les plus expérimentés et/ou audacieux uniquement, il y a la possibilité de créer entièrement une nouvelle règle. Ici plus que pour tous les autres, il faut une théorisation solide et des tests pour en assurer l’efficacité.

Quelques exemples de règles maisons pour vos JDR

Les apports pour dynamiser un jeu

Parfois, joueurs et meneurs ne sont pas satisfaits par la nature extrême et dichotomique des jets (soit réussite, soit échec). En réponse, ils veulent dynamiser ou nuancer les résultats.

Dans ce cas, il existe des options comme la règle des « Oui, mais » de certains jeux. Il suppose de ne pas dire « non » au joueur quand il demande s’il peut réaliser une action dans la limite du possible, mais en retour, le meneur introduit une difficulté supplémentaire. 

Un échec n’a pas à être purement négatif. En plein test sur la chaîne Discord, une communauté de fans teste des JDR maisons sur l’univers de JoJo’s Bizarre Adventure avec des règles intéressantes pour les jets ratés. Ainsi, lorsqu’un PJ rate son jet, il subit les conséquences, mais peut aussi introduire un nouvel élément dans la scène que ses alliés peuvent utiliser à leur avantage. 

Alternativement, laisser les joueurs réessayer les jets, à la manière des jets poussés de l’Appel de Cthlhu qui engendre une conséquence grave en cas d’un deuxième échec peut aussi produire le même effet. Compter le nombre d’essais pour réussir à la manière de Shadowrun pour décider d’une conséquence supplémentaire peut aussi fonctionner.

Suivant cette même logique de dynamisation, on peut aussi modifier ou importer des règles afin de simplifier un système.  Pour les jeux qui demandent trop de jets, par exemple, on peut trouver des alternatives pour accélérer le processus en un ou deux lancers de dés. 

Les règles maisons pour jouer avec le temps

En parlant du facteur temps, les jeux narratifs ont aussi une certaine aptitude à jouer avec la chronologie en comparaison à la linéarité d’autres jeux. Il peut s’agir de méthodes pour donner du rythme à la partie comme avec les Beats de Cowboy Bebop ou de l’horloge de certains PbtA (Horrifique) qui influent sur la narration.

Ces derniers peuvent aussi intégrer une mécanique de flashback qui permet d’avoir des révélations a posteriori ou des ellipses pour faire avancer le temps. À noter toutefois : ce genre de mécaniques nécessite d’être modifiées pour que leurs activations et leurs effets ait un impact significatif dans d’autres jeux.

Approfondir les mécaniques présentes en créant une chimère

Il en va de même pour les modifications que l’on insère pour donner de la profondeur là où les règles ne se concentrent pas. Par exemple, des mécaniques de combats à un jeu pacifique ou d’autres sociales pour les jeux basés sur les conflits physiques.

Les liens sont une bonne illustration de celles-ci. Ils donnent aux joueurs le pouvoir d’intégrer des éléments au monde du meneur et d’ancrer leurs PJ (et des PNJ) dans celui-ci. En plus, cette méthode permet de connecter les joueurs avant le début de la partie.

Dans le même registre d’ajouts avant la partie, certains jeux ont des règles pour donner une particularité à chaque PJ. Le jeu de rôle de Space Adventure Cobra, par exemple, leur donne des objets fétiches. Les joueurs ne peuvent les perdre indéfiniment et les utiliser donnent des bonus.

Pour finir, d’autres règles maisons populaires auprès des rôlistes sont celles qui rendent les JDR plus réalistes. Elles modifient ou ajoutent des mécaniques qui rendent le jeu plus létal afin de donner une touche de dark fantasy.

Par extension, ces règles tendent aussi à donner plus de poids à la mort des personnages. D’une part, en fragilisant ceux-ci, elles contribuent à forcer les joueurs à s’investir dans leurs actions et leurs conséquences. D’autre part, elles ajoutent des mécaniques à ce décès : une dernière action automatiquement réussie, des avantages aux alliés…. Ce genre de touche qui fait de ce moment un autre instant mémorable dans le jeu.         

 En conclusion, la création de règles maisons en JDR n’est pas une science exacte. Toutefois, c’est un outil puissant pour améliorer encore et encore l’expérience de jeu, aussi, elle vaut le détour pour tous les férus de jeux de rôle.

Des JDR nés de « houserules »

Créer des règles maisons, c’est aussi une manière de s’approprier un jeu. En conséquence, il arrive qu’elles finissent par modifier suffisamment un titre pour en faire un produit profondément différent de l’original. Ainsi c’est de cette manière qu’Horrifique est né à partir des règles d’Apocalypse World.

Les systèmes génériques du style des PbtA s’y prêtent d’ailleurs si bien que c’est ainsi que ces jeux Propulsés par l’Apocalypse, on a vu naître d’autres branches. Ceux de la branche Blades in the Dark en particulier. Un cas analogue a aussi lieu du côté de Mörk Borg, du fait de sa simplicité de règles, des créateurs y ajoutent des règles qui en font des jeux spécifiques.

Mais même des titres plus compliqués peuvent y avoir droit. La 5e édition de DnD en est la preuve la plus claire puisqu’il existe des règles maisons qui peuvent en faire un jeu plus simple, comme c’est le cas de Nimble 5e, ou d’autres pour l’approfondir et la complexifier. Certaines enfin sont si répandues qu’elles viennent d’être adoptées dans la nouvelle version du jeu comme des règles officielles. Prendre une potion en action bonus, en particulier, y a eu droit après Baldur’s Gate 3.

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