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Gary Gygax : le prophète des JDR

Gary Gygax

Gary Gygax est un nom que tout « rôliste » devrait connaître. Il s’agit ni plus ni moins du père du jeu de rôle. Alors si vous ne savez pas qui c’est, nous allons le rectifier !

De son nom complet Ernest Gary Gygax (1938-2008), il était un entrepreneur américain. Mais avant tout c’était un nerd, un des plus grands du XXe siècle pour sa contribution à l’univers de la fantaisie : Dungeons & Dragons.

Gary Gygax : une enfance remplie d’aventures

C’est un jour de juillet 1938 à Chicago qu’un garçon est né d’Ernst Gygax et de sa femme, Almina Emelie. Lui, ex-violoniste devenu commercial, donna le prénom Ernest à son fils. Elle le prénomme Gary d’après une légende montante de Hollywood, Gary Cooper.

Le petit Gary Gygax est un garçon aventureux et turbulent. Il est doué pour la chasse à l’écureuil et à 7 ans, il se joint à un « gang », une bande de garçons nommés les Kenmore Pirates. Ensemble, ils se bagarrent violemment avec d’autres enfants. Pour le protéger, son père décide d’emménager chez les parents de sa mère à Lake Geneva, dans le Wisconsin.

C’est ici que Gary rencontre deux autres personnes importantes pour sa vie : Don Kayes et Mary Jo Powell. Le premier sera son proche collaborateur et la seconde, sa future première épouse. Il développe aussi un amour pour les jeux bien organisés et la lecture.

Gary Gygax

Pour les jeux, à 10 ans, il aime les cartes, les échecs, les jeux de société et réglemente les parties de jeux où il fait semblant avec ses amis. L’enfance du Live Action Role Playing Game, peut-on dire. Avec Don Kayes, Gary Gygax s’amuse aussi à collectionner et jouer avec des soldats miniatures à leur version d’un jeu qu’il ne connaît pas encore : le wargame. 

À côté, c’était un lecteur avide. Son père l’introduit très jeune à la littérature pulp, des magazines pas chers où lire des romans de fiction. Pour lui, c’est la fantasy et la science-fiction. Dans sa bibliothèque, il a entre autres H.P. Lovecraft et Robert E Howard. Il développe un goût pour l’aventure et aime explorer les souterrains des environs.

L’incroyable destin de Gary Gygax

Comme il l’admet lui-même, Gary Gygax n’aimait pas du tout l’école. Élève médiocre, à la mort de son père en 1956, il en quitte les bancs. Après avoir été refusé par la marine en raison de sa santé, il revient vivre chez sa mère et se lance dans des petits boulots. Mais la vie lui fera bientôt un cadeau : un ami lui fait découvrir le wargame Gettysburg.

Gary passe des heures dessus chaque semaine avec ses amis passionnés du Lake Geneva Tactical Studies Association à jouer dans sa cave. En plus, il joue par correspondance avec d’autres connaissances à travers le pays.

Même après son mariage en 1958 et la naissance de ses enfants au début des années 60, Gary continue de s’investir dans cette passion. Il lance ainsi la Lake Geneva Convention ou Gen Con en 1968. Petite anecdote : sa femme finit par croire qu’il avait une aventure tant il disparaissait pendant les soirées.

Les mesures précises et les jets de dés sont déjà au rendez-vous durant ces parties de wargame. Il a un attrait pour ceux-ci en particulier, car il estime qu’il y a une part de chance dans la vie de chacun. Gary Gygax se définissait d’ailleurs aussi comme quelqu’un qui prenait des risques et dans ses parties de wargame, il osait sortir des sentiers battus par le règlement.

Il invente aussi son propre wargame, tournant autour de combats de tanks lors de la Seconde Guerre mondiale. Gary remplace par la même l’occasion les 2d6 dont ils ont l’habitude par un tirage de jetons numérotés de 1 à 20 pour supprimer l’inégalité des jets. Au hasard, il trouve une meilleure alternative dans un catalogue : le d20.

La première réussite de Gary Gygax : Chainmail

Tous ces facteurs vont converger pour la suite. C’est lors d’une édition de la Gen Con qu’on lui apporte des figurines d’un wargame médiéval et des règles basiques. Gary va en faire un nouveau jeu : Chainmail, qui propose non seulement de jouer des unités appelées « héros », mais aussi intègre des éléments de medieval fantasy.

La publication de ce premier jeu fut un premier succès, bien que modeste. Pour Gary Gygax, c’est là qu’il a commencé à considérer la création de jeu comme une possible carrière et non plus un hobby. Et c’est une autre rencontre qui va le pousser définitivement dans cette voie.

Quand Gary rencontre Davy

À la Gen Con de 1969, il fait la connaissance d’un autre wargamer : Dave Arneson. Les deux se décrivent comme opposés l’un de l’autre, Gary est un fonceur, Dave est plus posé. Ils sont au jeu de rôle ce que Carmack et Romero sont pour les FPS : un duo improbable, mais complémentaire.

Arneson voit dans les règles de Chainmail une liberté dont les wargames manquent généralement. Il se trouve aussi que lui et ses amis du Minnesota travaillaient sur un système du même genre. Elles étaient en effet plus adaptées pour l’improvisation, juste ce qu’il lui fallait.

Ce groupe va tester et modifier Chainmail pour l’exploration de souterrains étroits : ce sont les premiers donjons. Ils vont aussi allonger la durée de vie, grâce à un système de points d’expérience, les personnages peuvent revenir pour plusieurs parties au lieu de la traditionnelle bataille.

En 1971, Arneson et sa bande font jouer Gary Gygax lors de la Gen Con. Plus de 30 ans plus tard, il se souviendra toujours de cette aventure. Mais dans l’instant, il pense au potentiel commercial de ce nouveau jeu, les deux font donc équipe pour fignoler les mécaniques.

La consécration : Dungeons & Dragons

Après des heures de discussion souvent par téléphone, des pages de rédaction et de révision de règles et la création d’un donjon,  Gary Gygax fait jouer ses testeurs à leur nouveau jeu. Don Kayes et trois enfants dont les siens et Gygax constituent la première table de jeu.

Ce dernier explique les classes à ses joueurs et les aide à remplir les fiches et développe le rôle de meneur de jeu. L’essai est concluant ! C’est sa fille Cindy, 4 ans au moment des faits, qui nomme le jeu : Donjons et Dragons.

En 1973, avec leurs économies, Gary Gygax et Kayes lancent leur entreprise Tactical Studies Rule (TSR) pour publier le jeu depuis la cave.  

Les années 70 les voient devenir de quasi-rockstars avec la propagation de ce nouveau hobby à travers le pays. Revers de la gloire : la paranoïa religieuse autour du jeu oblige Gary à prendre ses distances avec la communauté Témoins de Jéhovah où il était un membre actif. Il prend aussi un garde du corps après avoir reçu des menaces de mort.

Ce ne sont pas les seuls soucis auxquels il fait face. Malheureusement, TSR rencontre des problèmes d’ordre financier lors de l’absence de Gygax pour discuter avec Hollywood. De même, il rentre en conflit avec Arneson sur les droits et la gloire de la création du jeu. En 1985, il vend (pour ne pas dire, se débarrasse) de ses parts de TSR.

La dernière quête de Gary Gygax

Par la suite, Gary Gygax continue de créer de nouveaux jeux et d’écrire des romans. Il rédige pour diverses compagnies et est une figure de la culture Geek du début des années 2000. Il commence aussi la rédaction de son magnum opus, 6 volumes sur Castle Zagyg, en fait Castle Greyhawk. Un château souvent évoqué durant son temps chez TSR.

Son rythme de vie et son âge commencent toutefois à le rattraper. En 2004, il fait un AVC qui arrête un travail déjà lent et fastidieux. Gravement malade en 2008, il arrive malgré tout à publier le deuxième volume de Castle Zagyg avant sa mort en mars. Une plaque commémorative est faite pour l’honorer à la Gen Con sur laquelle on peut lire ceci :

« The first DM,

He taught us to roll the dice.

He opened the door to new worlds.

His work shaped our industry.

He brought us Gen Con,

For this we thank him. In fond memory of Gary Gygax

and in celebration of his spirit and accomplishments. »

Gary, de l’homme à la légende

Du fait de son impact sur la culture populaire, Gary Gygax a laissé une image quasi légendaire dans le monde de la culture populaire. Il arrive de le voir en caméo dans des émissions comme Futurama.

Mais il a surtout donné naissance à une « école » ou « un style » de fantasy. À l’instar de Tolkien, par exemple, on retrouve des communautés entières de créateurs et de fans qui se revendiquent de son héritage. L’un de ses descendants a créé l’hyper module Tomb of Gyzaengaxx où le père des JDR est au cœur de l’intrigue.

Mais on voit surtout ce phénomène à partir du passage de DnD de TSR à Hasbro/WotC, et le changement de paradigme qu’il engendre. Ainsi, une partie des rôlistes évoque le JDR du temps de Gygax pour construire leur idéal, que ce soient l’OSR ou le Classic. Les « vaches sacrées » selon Colville qu’il remet en question pour son système de jeu.

Ces styles de jeu rejettent les approches modernes de la fantasy et du JDR. Au lieu de les embrasser, ils misent pour l’ambiance « à l’ancienne ». Ces créateurs favorisent donc les jeux avec moins de mécaniques définis pour laisser le meneur décider suivant ce que Gygax faisait et apprenait dans les années 70.

Ironiquement, les designers de WotC sont conscients et revendiquent aussi la filiation avec Gary Gygax. Ils lui rendent d’ailleurs hommage dans la 5e édition du jeu qui fait un clin d’œil à l’édition zéro en reprenant les premières lignes de son livret de règles, mais en y insérant Gygax et ses amis.

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